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Jésus[1] ». On vous a donc donné à apprendre et vous avez récité ce que vous devez avoir toujours dans l’âme et dans le cœur, répéter sur votre couche, méditer sur les places publiques, ne pas oublier en prenant votre nourriture, murmurer même intérieurement durant votre sommeil. Car en renonçant au démon, en dérobant à ses pompes et à ses anges votre esprit et votre âme, vous contractez l’obligation d’oublier le passé, de mépriser votre ancienne vie et de mener, par la sainteté de vos mœurs, une vie nouvelle comme l’homme nouveau que vous revêtirez ; ou, comme s’exprime l’Apôtre, oublier ce qui est en arrière et vous élancer vers ce qui est en avant, afin d’atteindre à la palme céleste où vous appelle la vocation de Dieu[2], croire enfin ce que tu ne vois pas pour mériter de posséder ce que tu crois. « Qui, en effet, espère ce qu’il voit ? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons pas, c’est que nous l’attendons avec patience[3] ».

2. Notre foi, notre règle de salut consiste donc à croire en Dieu, le Père tout-puissant ; le Créateur de toutes choses, le Roi des siècles, Roi immortel et invisible. Il est le Dieu tout-puissant, attendu que dès l’origine du monde il a tout créé de rien et qu’antérieur à tous les siècles il a formé et gouverne les siècles. Car il ne grandit pas avec le temps, il ne s’étend pas dans l’espace, il n’est circonscrit par rien de matériel ; c’est l’éternité même demeurant en soi pleine et parfaite, sans qu’aucune pensée humaine soit capable de la comprendre et aucune langue de l’expliquer. D’ailleurs si l’œil n’a point vu, si l’oreille n’a point entendu, si le cœur de l’homme n’a point pressenti la récompense qu’il promet à ses saints ; comment l’esprit pourrait-il concevoir, comment le cœur pourrait-il se représenter l’Auteur même de cette promesse, et comment la langue pourrait-elle en parler dignement ?

3. Nous croyons également en Jésus-Christ, son Fils et Notre-Seigneur, Dieu vrai de vrai Dieu, Fils divin de Dieu son Père, sans qu’il y ait deux dieux. Car le Père et lui sont un[4] ; il l’insinuait d’ailleurs quand il disait à son peuple par la bouche de Moïse : « Écoute Israël, aces préceptes de vie ; Le Seigneur ton Dieu a n’est qu’un Dieu[5] ». Si maintenant tu cherches à te représenter comment le Fils éternel est né avant tous les temps de son Père éternel, attends-toi à ce reproche d’un prophète : « Qui expliquera sa génération[6] ? » Tu ne saurais donc ni te figurer, ni expliquer comment un Dieu naît d’un. Dieu ; il t’est seulement permis de le croire afin de pouvoir arriver au salut ; aussi l’Apôtre dit-il : « Il faut, pour approcher de Dieu, croire qu’il est et qu’il récompense ceux qui le cherchent[7] ». Veux-tu savoir encore comment il est né après avoir daigné prendre un corps pour notre salut ? Écoute et crois qu’il est né de la Vierge Marie, par l’opération du Saint-Esprit. Et toutefois qui pourrait expliquer aussi cette seconde naissance elle-même ? Qui pourrait en effet se représenter convenablement comment un Dieu a voulu naître pour sauver les hommes, comment une Vierge l’a conçu sans connaître aucun homme, comment elle l’a mis au monde sans corruption et comment elle est demeurée Vierge après être devenue Mère ? Car il est bien vrai que Jésus-Christ Notre-Seigneur a daigné entrer dans le sein d’une Vierge, pénétrer sans aucune souillure dans le corps d’une femme, féconder sa Mère sans aucune altération, sortir de ses entrailles après s’être formé lui-même, et en les conservant dans toute leur pureté ; unissant ainsi, dans celle qu’il a daigné choisir pour Mère, les honneurs de la maternité à la sainteté de la virginité. Mais qui pourra concevoir, expliquer un tel mystère ? Qui pourra donc expliquer aussi cette seconde naissance ? Quel esprit en effet pourrait comprendre, quelle langue serait capable d’expliquer, non-seulement comment le Verbe était dès le principe sans que sa naissance eût jamais commencé ; mais encore comment ce Verbe s’est fait chair[8], choisissant une Vierge pour en faire sa Mère, et la rendant Mère pour la conserver Vierge ; comment il est Fils de Dieu sans avoir été conçu par une Mère, et comment il est fils de l’homme sans, avoir été engendré par un Père ; comment, en venant en elle, il apporte la fécondité à une femme, sans lui ôter son intégrité lorsqu’il la quitte ? Quelles merveilles ! Qui peut en parler ? Qui peut s’en taire ? Chose étonnante ! en effet. Nous ne saurions parler et il ne nous est pas permis de nous taire ; nous publions au-dehors, et nous ne pouvons comprendre au dedans. Ah ! si nous ne pouvons parler d’un tel bienfait de Dieu, c’est que nous

  1. 1Co. 3, 11
  2. Phi. 2, 13
  3. Rom. 8, 24, 25
  4. Deu. 6, 4
  5. Deu. 6, 4
  6. Isa. 53, 8
  7. Heb. 11, 6
  8. Jn. 1, 1-14