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éprouver Celui qui parle en moi, le Christ[1] » ?

11. Quel est donc le vrai sens ? Que votre charité, contemple ici un grand et profond mystère : heureux si vous l’aimez en le contemplant et si vous parvenez à le posséder en l’aimant. Oui, c’est le Christ notre Seigneur, c’est Jésus notre Sauveur, notre Rédempteur, qui est devenu péché afin qu’en lui nous devinssions justice de Dieu. Comment ? Écoutez la loi. Ceux qui la connaissent savent ce que je dis ; quant à ceux qui ne la connaissent pas, qu’ils la lisent ou qu’ils l’entendent. Dans la loi donc on donnait le nom de péchés aux sacrifices offerts pour l’expiation des péchés. Preuve : quand on amenait la victime à immoler pour le péché, la loi disait : « Que les prêtres mettent leurs mains sur le péché[2] », c’est-à-dire sur la victime du péché. Or le Christ est-il autre chose que la victime du péché ? « Le Christ, dit saint Paul, nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous comme un sacrifice à Dieu et une hostie de suave odeur[3]. » Voilà par quel péché le Seigneur a condamné le péché ; il l’a condamné par le sacrifice de lui-même pour l’expiation de nos péchés. Telle est « la loi de l’Esprit de vie qui t’affranchit de la loi du péché et de la mort ». Toute bonne qu’elle fût en effet, tout saints, tout justes et tout bons que fussent ses commandements, cette autre loi, la loi de la lettre, la loi des ordonnances, « était affaiblie par la chair », et nous ne pouvions accomplir ses prescriptions. Une loi donc, comme je l’ai déjà dit, te montrera le péché, une autre loi t’en délivrera ; à la loi de la lettre de te le montrer, à la loi de la grâce de t’en délivrer.


SERMON CLIII.
CONTRE LES MANICHÉENS ET LES PÉLAGIENS[4].

ANALYSE. – Dans leur opposition violente à l’ancienne loi, les Manichéens prétendaient s’appuyer sur l’autorité de saint Paul même. Saint Augustin les réfute en montrant premièrement que s’ils lisaient tout le passage de saint Paul ils y trouveraient la défense formelle et, la justification de la loi qu’ils condamnent. Secondement, s’ils remarquaient dans le même texte de saint Paul, que la loi condamne la concupiscence, accuseraient-ils cette loi ? mauvaise pour condamner le vice ? Elle le condamne si ostensiblement, que l’Apôtre même, avant de l’avoir étudiée, ignorait que la concupiscence fût un vice. Troisièmement, si saint Paul reconnaît que cette connaissance du vice, donnée par la loi, fut pour lui une occasion de péché, c’est qu’il présumait de ses propres forces, lui-même l’indique et nous fait connaître ainsi le besoin que nous avons de la grâce, de cet attrait divin, si doux pour les cœurs purs. Le précepte est bien une arme pour nous défendre, mais la présomption tourne cette arme contre nous. Ayons donc pleine confiance dans la grâce de Dieu. Elle combat en nous l’inclination originelle au mal et elle est due à Jésus-Christ Notre-Seigneur.

1. Nous avons entendu chanter ; et nos cœurs en unisson aussi, bien que nos voix, nous avons chanté nous-mêmes devant notre Dieu : « Heureux l’homme que vous enseignez, Seigneur, et que vous instruisez de votre loi[5] ». Faites silence, et vous m’entendrez ; la sagesse ne saurait pénétrer là où fait défaut la patience. – C’est nous qui parlons, mais c’est Dieu qui enseigne ; c’est nous qui parlons, mais c’est Dieu qui instruit. À qui est donné le titre d’heureux ? Ce n’est pas à celui que l’homme enseigne ; mais à celui que vous instruisez, Seigneur ». Nous pouvons bien planter et arroser ; mais c’est à Dieu de donner l’accroissement[6]. Planter et arroser, c’est travailler à l’extérieur ; donner l’accroissement,

  1. 2Co. 13, 3
  2. Lev. IV
  3. Eph. 5, 2
  4. Rom. 7, 5-13
  5. Psa. 93, 12
  6. 1Co. 3, 7