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de plus, celui qui m’aime sera aimé par mon Père ; moi aussi je l’aimerai et je me révélerai à lui[1] ». Ceux à qui il parlait ainsi le voyaient bien des yeux du corps, entendaient sa voix, et considéraient l’homme en lui ; mais ce qu’il promettait de montrer à ceux qui l’aiment, c’est ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui ne s’est point élevé dans le cœur de l’homme[2], c’est lui-même encore. Jusqu’à ce que s’accomplisse cette promesse, jusqu’à ce que le Sauveur nous montre ce qui nous suffira ; en attendant que nous puisions en lui, la vraie source de vie, le rassasiement même ; pendant que vivant de la foi nous sommes éloignés de lui ; pendant que nous avons faim et soif de la justice, et qu’avec une ardeur ineffable nous aspirons à contempler la beauté de la nature même de Dieu, célébrons avec une humble dévotion le jour où il naît comme esclave. Incapables encore de contempler ce qu’il reçoit du Père qui l’engendre avant l’aurore, chantons ce qu’il reçoit de sa Mère qui l’enfante dans la nuit. Nous ne voyons pas encore le nom qu’il porte dès avant le soleil[3] ; considérons dans le soleil sa tente qu’il y a placée. Nous ne voyons pas encore le Fils unique subsistant dans le sein de son Père ; rappelons-nous l’Époux sortant du lit nuptial[4]. Nous ne pouvons nous asseoir encore au festin de notre Père ; saluons la crèche de Jésus-Christ Notre-Seigneur.


SERMON CXCV. POUR LE JOUR DE NOEL. XII. LES TITRES DU SAUVEUR.

ANALYSE. – Celui dont nous honorons aujourd’hui la naissance est à la fois le Fils de Dieu et le Fils de Marie, l’Époux de l’Église et le Sauveur des hommes, en faveur de qui il sait user de douceur et de force, de sévérité et de bonté.

1. Celui qui est à la fois Fils de Dieu et fils de l’homme, Jésus-Christ Notre-Seigneur, comme Fils de Dieu n’a point de Mère et il a créé tous les jours ; comme fils de l’homme il n’a point de Père et il a consacré ce jour. Invisible par sa naissance divine, rendu visible par sa naissance humaine, il est admirable dans l’une et dans l’autre. Quand donc un prophète disait de lui : « Qui racontera sa génération[5] ? » de laquelle parlait-il préférablement ? Il est difficile de décider si c’est de celle où par sa naissance éternelle il est coéternel au Père, ou bien de celle où, formé dans le temps, il avait auparavant créé sa Mère afin de naître d’elle ; si c’est de celle où il n’a jamais commencé puisqu’il a existé toujours. Eh ! qui pourrait expliquer comment la Lumière est née de la Lumière, en ne formant toutefois qu’une seule et même Lumière ; comment un Dieu est né d’un Dieu, sans faire néanmoins plusieurs dieux ; comment on présente cette naissance à titre de fait accompli, quand il a été impossible de distinguer en elle soit un temps passé qui la montre comme passée, soit un temps futur qui l’ait indiquée comme devant avoir lieu, soit un temps présent qui la désigne comme s’accomplissant, sans être accomplie encore ? Qui donc racontera cette génération, puisque l’acte à raconter subsiste au-dessus du temps, et que les paroles du récit passent avec le temps ? Quant à cette autre génération qui lui donne une Vierge pour Mère, qui la racontera encore, puisque sa conception dans la chair n’a pas eu lieu d’une manière

  1. Jn. 14, 21.
  2. 1Co. 2, 9.
  3. Psa. 71, 17.
  4. Psa. 18, 6.
  5. Isa. 53, 8