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plus de confiance, c’est qu’ils sont rejetés l’un comme l’autre par les incroyants, par ceux qui ne croient pas à la divinité du Christ. Mais avec la certitude que Dieu même s’est incarné, la foi ne doute pas que ces deux faits ne soient également possibles ; que Dieu ait pu, dans la maturité de l’âge, pénétrer, sans l’ouvrir, dans une maison et montrer son corps à ceux qui s’y tenaient enfermés ; qu’il ait pu aussi, devenu petit enfant, sortir comme un époux de son lit nuptial, du sein de la Vierge, sans blesser aucunement l’intégrité de sa Mère[1].

3. C’est là effectivement que le Fils unique de Dieu a pris la nature humaine afin de s’unir une Église immaculée comme son Chef. Aussi l’apôtre Paul dit-il que cette Église est vierge, non-seulement à cause des vierges proprement dites qu’il voit en elles ; mais encore à cause de l’inviolable pureté qu’il désirait à toutes les âmes. « Je vous ai fiancés, écrit-il, « comme une vierge chaste pour vous présent au Christ, votre unique Époux[2] ». Afin donc d’imiter la Mère de son Seigneur, comme l’Église ne saurait être, par le corps, vierge et mère tout ensemble, elle l’est par l’esprit. Et quand le Christ veut que son Église soit vierge et qu’il la purifie des souillures contractées avec le démon, il aurait, en naissant, dépouillé sa Mère de sa virginité ? O vous qui êtes le fruit de cette incorruptible virginité, vierges sacrées qui foulez aux pieds les noces terrestres et qui voulez rester vierges jusque dans votre corps, célébrez aujourd’hui avec joie, célébrez avec pompe l’enfantement de la Vierge. C’est une femme qui met au monde sans s’être approchée d’aucun homme. Ah ! Celui qui vous a donné d’aimer ce que vous aimez, n’en a point privé sa Mère. Comment croire que guérissant en vous la maladie que vous avez héritée d’Eve, il corrompit en Marie la vertu qui pour vous a tant de charmes ?

4. Il est donc sûr que cette Vierge, sur les traces de qui vous marchez, n’a point connu d’homme pour concevoir son Fils, et qu’elle est restée Vierge tout en le mettant au monde. Imitez-la dans la mesure de vos forces, non point dans sa fécondité, ce qui vous est interdit, mais dans toute sa pureté. Seule elle a pu joindre ces deux faveurs dont l’une a fixé votre choix, et vous perdriez celle-ci en voulant les réunir comme elle. Si elle a joui de l’une et de l’autre, c’est par la grâce du Tout-Puissant devenu son Fils ; car au Fils de Dieu seul il était réservé de naître de cette manière pour devenir Fils de l’homme. Néanmoins, de ce que le Christ ne soit Fils que d’une Vierge, ne concluez pas qu’il vous est étranger. Vous n’avez pu donner naissance à son humanité ; mais voyez dans vos cœurs, il y est votre Époux, et quel Époux ! Un Époux à qui vous devez vous attacher comme à l’Auteur de votre félicité, sans craindre qu’il vous ravisse la virginité. Eh ! si tout en naissant corporellement il n’a point ôté la virginité à sa Mère, ne vous la conservera-t-il pas bien mieux encore en vous donnant des embrassements purement spirituels ? Gardez-vous encore de vous croire stériles en demeurant vierges ; car la sainte pureté du corps contribue à féconder l’âme. Suivez les recommandations de l’Apôtre ; et puisque vous ne vous souciez ni des choses du monde ; ni de plaire à un mari, appliquez-vous aux intérêts de Dieu, cherchez à lui plaire en tout[3] ; plus féconde ainsi que votre corps, votre âme pourra s’enrichir de vertus. Un mot enfin à vous tous ; voici donc ce que j’ai à vous dire, à vous que l’Apôtre a fiancés au Christ comme une vierge chaste Ce que vous admirez extérieurement en Marie, reproduisez-le dans l’intérieur de votre âme. Croire de cœur pour être justifié, c’est concevoir le Christ ; confesser de bouche pour être sauvé, c’est l’enfanter[4]. Heureux moyen d’unir en vous la plus riche fécondité à une virginité constante !

  1. Psa. 18, 6.
  2. 2Co. 11, 12.
  3. 1Co. 7, 32-34.
  4. Rom. 10, 10.