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le sein, mais il nourrit les anges ; il est enveloppé de langes, mais il nous donne le vêtement de l’immortalité ; il est allaité, et en même temps adoré ; pour lui il n’y a point, place dans l’hôtellerie, mais il s’élève un temple dans le cœur des croyants. Pour fortifier la faiblesse, la force s’affaiblit. Ah ! sachons admirer cette naissance temporelle plutôt que de la dédaigner, et reconnaissons-y les abaissements profonds de la plus haute Majesté, et pour arriver à son éternité enflammons près de lui notre charité.


SERMON CXCI. POUR LE JOUR DE NOËL. VIII. DE LA VIRGINITÉ.

ANALYSE. – Tel est l’amour du Sauveur pour la virginité, qu’au moment où il vient se soumettre de grand cœur à tant d’outrages, il ne veut qu’une vierge pour mère, exige de toute son Église qu’elle soit vierge de cœur, et comble de ses grâces privilégiées les chrétiens qui gardent la virginité spirituelle et corporelle, à l’exemple de Marie.

1. En se faisant chair, le Verbe du Père, par qui tout a été fait, nous donne à célébrer le jour de sa naissance dans le temps ; Auteur divin de tous les jours, il a voulu en réserver un au souvenir de sa Nativité. Dans le sein de son Père il est antérieur à la longue suite des siècles ; et en quittant aujourd’hui le sein de sa mère, il suit le cours des années. Créateur de l’homme, il se fait homme ; il veut ainsi prendre le sein maternel, lui qui dirige les astres, condamner le Pain à endurer la faim, la Fontaine à avoir soif, la Lumière à dormir, la Voie à se fatiguer de la route, la Vérité à être accusée par de faux témoins, le Juge des vivants et des morts à être jugé par un mortel, la Justice à être condamnée par l’iniquité, la Règle à être flagellée, la Grappe à être couronnée d’épines, le Fondement de l’édifice à être suspendu, la Force à être affaiblie, la Santé même à être blessée et la Vie à mourir. Oui, c’était pour endurer en notre faveur ces énormités et d’autres encore ; c’était pour délivrer des indignes, puisqu’en souffrant tant de maux pour l’amour de nous, il n’en avait mérité aucun, et qu’en recevant de lui tant de bienfaits nous n’étions pas dignes d’un seul ; c’était, dis-je, dans ce but que Fils de Dieu avant tous les siècles et sans avoir eu jamais de commencement, il a daigné dans ces derniers jours se faire fils de l’homme ; né de Père sans avoir été formé par lui, il est d’une Mère que lui-même a formée, redevable enfin de l’existence humaine à celle qui jamais et nulle part n’aurait existé sans lui.

2. Ainsi s’accomplit cette prédiction d’un psaume : « La Vérité s’est élevée de terre[1] ». Cette terre est Marie, Vierge après l’enfantement comme avant de concevoir. Comment admettre la perte de l’intégrité dans ce corps dans cette terre d’où s’est élevée la Vérité ? Aussi, quand, après sa Résurrection, le Sauveur était considéré, non pas comme ayant un corps, mais comme étant un pur esprit : « Palpez, dit-il, et voyez, car un esprit n’a chair ni ossements, comme vous voyez que j’en ai[2] ». Or, ce corps jeune et ferme n’entrera pas moins dans l’appartement où étaient les disciples, quoique les portes en fussent fermées[3]. Mais s’il a pu, malgré tout son développement, entrer par des portes closes, comment lui aurait-il été impossible, quand il était si petit, de sortir, sans le violer, du sein maternel ? Toutefois les incrédules ne veulent admettre ni l’un ni l’autre de ces faits ; et qui engage les croyants à les admettre avec

  1. Psa. 84, 12.
  2. Luc. 24, 38.
  3. Jn. 20, 19.