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Mais ce que ne saurait expliquer la raison humaine, la foi le saisit et cette foi grandit à mesure que la raison est en défaut. En effet qui oserait avancer que le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, n’aurait pu, même sans une Mère, se former un corps comme il en a formé un au premier homme, qui n’avait ni père ni mère ? Cependant, dès qu’il a créé les deux sexes, le sexe masculin et le sexe féminin et qu’il venait les délivrer l’un et l’autre, il a voulu en naissant les honorer tous deux. Vous connaissez assurément la chute du premier homme vous savez que le serpent n’osa s’adresser à Adam, et que pour l’abattre il eut recours à l’intermédiaire de la femme. À l’aide du plus faible des deux époux il gagna le plus fort, et après s’être servi de l’un pour aller à l’autre, il triompha de tous deux. Il était à craindre que sous l’impression d’une juste douleur nous n’eussions horreur de la femme comme de la cause de notre mort, et qu’elle ne fût considérée par nous comme irrémédiablement perdue. C’est pour écarter ce sentiment qu’en venant chercher ce qui était perdu, le Seigneur voulut honorer l’homme et la femme, perdus l’un et l’autre. Gardons-nous d’outrager le Créateur à l’occasion d’un sexe quelconque ; sa naissance les invite à espérer le salut tous deux. La gloire du sexe masculin, c’est que le Christ en soit, et la gloire du sexe féminin, c’est que la Mère du Christ en fasse partie : La grâce du Christ a triomphé de l’astuce du serpent.

3. Ainsi donc que tous deux renaissent avec Celui dont nous honorons aujourd’hui la naissance et qu’ils célèbrent tous deux ce grand jour. Ce n’est pas d’aujourd’hui sans doute que date l’existence du Christ Notre-Seigneur, puisqu’éternellement il a existé dans le sein de son Père ; mais c’est aujourd’hui qu’il a pris un corps dans le sein de sa Mère et qu’il s’est montré à nos yeux, rendant sa Mère féconde sans lui ôter rien de sa virginité. Ainsi il a été conçu, il est né et il est enfant. Or, qu’est-ce que cet Enfant ? Enfant signifie . Ainsi la Parole même ne peut parler. Mais si dans son corps il garde le silence, il parle par la bouche des anges ; ceux-ci annoncent aux pasteurs le Prince et le Pasteur des pasteurs. De plus il est déposé dans la crèche comme pour servir d’aliment au bétail fidèle. Un prophète n’avait-il pas fait cette prédiction : « Le bœuf reconnaît son maître, et l’âne, l’étable de son Seigneur[1] ? » Aussi était-il monté sur un ânon lorsqu’aux acclamations des multitudes qui le précédaient et qui le suivaient, il fit son entrée à Jérusalem[2]. Nous aussi reconnaissons-le, approchons-nous de la crèche, mangeons-y, et portons le Seigneur en nous laissant guider par lui, afin de parvenir ainsi à la Jérusalem céleste. Si la naissance humaine du Christ décèle l’infirmité, quelle majesté révèle sa génération dans le sein de son Père ! Si dans le temps il compte un jour, n’est-il pas l’Éternel même engendré par le Jour éternel ?

4. Il convient donc de nous enflammer d’ardeur aux accents de ce psaume qui retentit à nos oreilles comme l’éclat d’une trompette céleste : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; que toute la terre célèbre le Seigneur. Chantez le Seigneur et bénissez son nom[3] ». Ainsi reconnaissons et publions la gloire de ce Jour issu du Jour, lequel reçoit aujourd’hui une naissance corporelle. Ce Jour issu du Jour est le Fils né du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière. Il est aussi le Sauveur dont il est dit ailleurs : « Que Dieu prenne pitié de nous et qu’il nous bénisse ; qu’il fasse rayonner sa face au-dessus de nous ; afin que sur la terre, nous puissions connaître votre voie, et votre Sauveur parmi tous les peuples[4] ». Sur la terre révèle la même idée que parmi tous les peuples ; et votre voie désigne votre Sauveur. Ne nous souvient-il pas que le Seigneur a dit : « Je suis la voie[5] ? » Tout à l’heure encore, pendant qu’on lisait l’Évangile, nous avons vu que le bienheureux vieillard Siméon avait reçu, d’un oracle divin, l’assurance de ne pas goûter la mort avant d’avoir contemplé le Christ du Seigneur. Il prit dans ses bras le divin Enfant, et reconnaissant la suprême grandeur dans ces petits membres « C’est maintenant, Seigneur, que selon votre parole vous laissez votre serviteur s’en aller en paix, puisque mes yeux ont vu votre Sauveur[6]. Nous donc aussi « proclamons ce Jour issu du Jour, ce Sauveur de Dieu ». Publions « sa gloire parmi les nations, ses merveilles parmi tous les peuples [7] ». 2 est couché dans une crèche, mais il supporte le monde ; il prend

  1. Isa. 1, 3.
  2. Mat. 21, 1-9.
  3. Psa. 94, 1-2.
  4. Psa. 66, 2-3
  5. Jn. 14, 6
  6. Luc. 2, 26.29-30
  7. Psa. 95, 2, 2.