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a-t-il été formé d’une femme, sinon en devenant fils de l’homme quand il a été envoyé, lui qui dans le sein de son Père est le Fils même de Dieu ? Il naît de son Père en dehors du cours du temps, et c’est aujourd’hui qu’il est né de sa Mère. Après avoir créé ce jour il l’a choisi pour y être créé lui-même, comme après avoir créé sa Mère il l’a choisie pour naître d’elle. Ce jour, d’ailleurs, à partir duquel le jour grandit, ne convient-il pas à la mission du Christ, par qui de jour en jour se renouvelle en nous l’homme intérieur[1] ? Et puisque l’éternel Créateur daignait dans le temps devenir créature, ne devait-il pas avoir pour jour de naissance un jour qui indiquât ce qu’il venait créer dans le temps ?


SERMON CLXXXVII. POUR LE JOUR DE NOËL. IV. JÉSUS-CHRIST DIEU ET HOMME.

ANALYSE. – Pour expliquer comment le Verbe de Dieu en se faisant homme ne perd rien de sa divinité, saint Augustin le compare à la parole ou plutôt à la pensée humaine qui se donne à tous sans s’épuiser ni s’amoindrir, et qui ne perd pas sa nature en prenant dans la voix une espèce de corps. Le saint Docteur prouve ensuite par plusieurs textes de l’Écriture que le Sauveur n'a rien changé dans sa nature divine en s'unissant à la nature humaine.

1. Ma bouche va publier la gloire du Seigneur ; de ce Seigneur par qui tout a été fait et qui a été formé lui-même avec tout ; qui a montré son Père et qui a créé sa Mère. Fils de Dieu, il a un Père et point de mère ; Fils de l’homme, il a une Mère et point de père ; il est à la fois le grand jour des anges et parmi les hommes une petite lumière ; Verbe de Dieu avant tous les temps, Verbe fait chair au temps convenable ; Créateur du soleil et créé lui-même sous le soleil ; du sein de son Père gouvernant tous les siècles et du sein de sa Mère consacrant le jour présent ; demeurant dans l’un, sortant de l’autre ; formant le ciel et la terre, naissant sous le ciel et sur la terre ; ineffablement sage, et sagement enfant ; remplissant le monde, et couché dans une étable ; dirigeant les astres, et pressant le sein maternel ; si grand avec sa nature de Dieu, et si petit avec sa nature d’esclave, que sa petitesse ne diminue en rien sa grandeur et que sa grandeur n’accable en rien sa petitesse. En effet, en prenant un corps humain il n’a pas interrompu ses œuvres divines ; et il a continué d’atteindre avec force d’une extrémité jusqu’à l’autre et de tout disposer avec douceur[2], lorsque se revêtant de l’infirmité de la chair il est entré sans s’y enfermer dans le sein d’une Vierge ; et que, sans ôter aux anges l’aliment divin de sa sagesse, il nous a donné de pouvoir goûter combien le Seigneur et doux.

2. Pourquoi voir avec surprise ces merveilles dans le Verbe de Dieu, quand nota propre parole entre si libre dans l’esprit qu’elle y pénètre sans y être enfermée ? Effectivement si elle n’y pénétrait, elle ne l’éclairerait pas ; et si elle y était enfermée, elle n’entrerait pas dans d’autres esprits. Tout formé qu’il soit de mots et de syllabes, le discours que je vous adresse en ce moment n’est point découpé par vous en morceaux, comme la nourriture matérielle ; tous vous l’entendez tout entier, est tout entier recueilli par chacun de vous. Nous ne craignons pas en vous l’adressant que l’un s’empare de tout sans laisser rien à l’autre. Au contraire nous demandons devons une telle attention, attention de corps et attention

  1. 2Co. 4, 16.
  2. Sag. 8, 1