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qui croient en lui de devenir les enfants du Seigneur [1] ; » croire au Fils de Dieu, c’est renoncer au péché dans la mesure de l’union contractée avec lui, et de la grâce d’adoption qui rend fils, héritiers de Dieu, et cohéritiers de Jésus-Christ. Aussi saint Jean dit-il : « Quiconque est né de Dieu ne pèche point[2] ; » et le péché reproché au monde est-il de ne pas croire en lui. C’est de ce même péché que le Sauveur disait encore : « Si je n’étais pas venu, ils n’auraient point de péché[3]. » N’avaient-ils pas, et en quantité innombrable, d’autres péchés ? Mais c’est qu’à l’avènement du Sauveur ils commirent, pour maintenir tous leurs autres péchés, le péché de ne croire pas en lui ; tandis que l’absence de ce péché dans ceux qui crurent, suffit pour effacer tous les autres. Aussi l’Apôtre Paul dit-il, et uniquement pour ce motif, que « tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu[4] ; » que ceux qui croiront en lui ne seront pas confondus[5] ; ce qui est d’ailleurs exprimé dans ce passage d’un psaume : « Approchez de lui, et vous serez éclairés, et sur votre visage ne sera point de confusion[6]. » Aussi bien, se glorifier en soi, c’est se condamner à la confusion, puisqu’on n’est point alors exempt de péchés, et l’on n’évitera la confusion qu’en se glorifiant dans le Seigneur, puisque « tous ont péché et ont besoin de se glorifier en Dieu. » C’est pour cela encore qu’en parlant de l’infidélité des Juifs le même Apôtre ne dit pas : Si quelques-uns d’entre eux ont péché, est-ce que leur péché rendra vaine la fidélité de Dieu Eh ! comment aurait-il pu dire : Si quelques-uns d’entre eux ont péché, après avoir dit expressément : « Puisque tous ont péché ? » Il dit, donc « Si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru, est-ce que leur infidélité rendra vaine la fidélité de Dieu[7] ? » C’est parler de la manière la plus expresse du péché qui suffit pour empêcher la grâce de Dieu de remettre tous les autres ; et c’est bien de ce même péché que le monde est convaincu par la descente de l’Esprit-Saint, parla diffusion de la grâce dans l’âme des fidèles, comme l’enseigne le Seigneur dans ces paroles : « En ce qui touche le péché, parce qu’on n’a pas cru en moi. »
3. Mais il n’y aurait ni grand mérite ni glorieux bonheur à croire, si le Seigneur se montrait toujours aux regards de l’homme avec son corps ressuscité. Aussi la grande grâce accordée par l’Esprit-Saint aux croyants, a été d’éteindre en eux les passions charnelles et de les embraser de désirs tout spirituels pour les faire soupirer vers le Christ, devenu invisible pour eux à l’œil du corps. Voilà pourquoi le disciple qui avait juré de ne croire qu’autant qu’il aurait porté la main aux cicatrices du Sauveur, s’étant comme éveillé tout à coup après avoir touché son corps sacré, et s’étant écrié : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui répondit : « Tu crois pour m’avoir vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui croient [8]. » L’Esprit-Saint, l’Esprit consolateur rend donc heureux, lorsque voyant éloignée de nous cette nature de serviteur que le Christ a prise dans le sein de la Vierge, il élève le regard purifié de notre esprit vers cette nature divine elle-même qui a fait toujours de lui l’égal du Père, sans en excepter l’époque où il daigna se montrer aux hommes dans une chair mortelle. Aussi c’est sous l’impression de l’Esprit-Saint dont il était rempli que l’Apôtre disait : « Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de la sorte[9]. » C’est connaître en effet la chair même du Christ, non pas selon la chair mais selon l’esprit, que d’admettre la réalité vivante de sa résurrection, non point parce qu’on touche son corps avec curiosité, mais parce qu’on croit avec une pleine certitude. On ne dit pas alors dans son cœur : « Qui est monté au ciel ? c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ ; ni : Qui est descendu dans l’abîme ? c’est-à-dire pour rappeler le Christ d’entre les morts. » On dit au contraire : « Près de toi, dans ta bouche même est la Parole », cette Parole est le Seigneur Jésus ; « et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé ; « car on croit de cœur pour la justification et on confesse de bouche pour le salut[10]. » C’est ainsi, mes frères, que s’exprime l’Apôtre et qu’il exhale la sainte ivresse qu’il doit à l’Esprit-Saint.
4. Il est donc bien vrai que si le Saint-Esprit ne nous en faisait la grâce, nous n’aurions pas ce bonheur de croire sans voir. Par conséquent n’est-ce pas avec raison qu’il a été dit : « Il vous est avantageux que je m’en aille ; car si je ne m’en vais, le Consolateur ne viendra pas à vous, au lieu que je vous l’enverrai si je m’en vais. » Le Sauveur sans doute est toujours avec nous dans sa nature divine ; si cependant il n’éloignait

  1. Jn. 1, 12
  2. Jn. 3, 9
  3. Jn. 15, 22
  4. Rom. 3, 23
  5. Id. 9, 33
  6. Ps. 33, 6
  7. Rom. 3, 3
  8. Jn. 20, 25-29
  9. 2 Cor. 5, 16
  10. Rom. 10,6-10