Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/576

Cette page n’a pas encore été corrigée

vos commensaux, quasi simul edales. C’est à eux que s’adresse ce reproche d’un psaume : « Si mon ennemi m’eût outragé, je me serais soustrait à ses injures ; oui sans doute je me serais dérobé à ses injures si mon ennemi s’était emporté contre moi. Mais toi, mon intime, mon conseil et mon familier, toi qui prenais avec moi des aliments exquis et avec qui je vivais cordialement dans la maison de Dieu [1] ! » Pourquoi maintenant ces esprits s’élèvent-ils contre la maison de Dieu et nous sont-ils opposés ? C’est qu’ils nous ont quittés, n’étant point d’avec nous[2]. Faites donc, « ô vous que chérit mon âme », que je ne me jette point au milieu d’eux ; ils sont vos commensaux, mais comme l’étaient ceux de Samson, infidèles à leur ami et cherchant à corrompre son épouse[3]. Non, « que je ne me jette pas au milieu d’eux », que je n’y sois pas comme une inconnue, comme une femme cachée et voilée au lieu d’être assise sur la montagne. « Apprenez-moi » donc, « ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, où vous reposez à midi ; » quels sont les sages et les fidèles en qui vous reposez de préférence ; dans la crainte que je ne me jette en aveugle, non pas au milieu de vos troupeaux, mais au milieu des troupeaux de vos commensaux. Car vous n’avez pas dit à Pierre : Pais tes brebis ; mais : « Pais mes brebis[4]. »
8. A cette épouse bien-aimée réponde maintenant ce bon Pasteur, le plus beau des enfants des hommes ; qu’il lui réponde, puisqu’il l’a rendue la plus belle des femmes. Écoutez donc et comprenez ce qu’il dit : craignez ses menaces et attachez-vous aux avis qu’il lui donne. Que lui dit-il ? Il ne la flatte pas, mais sous des formes caressantes il lui donne des avertissements sévères ; il la reprend pour la retenir, pour la préserver : « Si tu ne te connais toi-même, lui dit-il, ô toi la plus belle d’entre toutes les femmes. » Si belles que soient les autres des dons de ton époux, elles n’en sont pas moins des hérésies ; c’est la parure, ce n’est pas le cœur qui les embellit ; elles brillent à l’extérieur, elles se couvrent du nom de la justice ; mais « toute la beauté de la fille du Roi est à l’intérieur[5]. » — « Si donc tu ne te connais », si tu ne sais que tu es une, que tu es répandue parmi toutes les nations ; que tu es pure et que tu ne dois pas te laisser corrompre par le langage pervers de ces commensaux indignes ; si tu ne sais que tu m’es légitimement fiancée et que tu dois être présentée au Christ comme une vierge pure ; si tu ne te présentes à moi toi-même, dans la crainte que comme le serpent séduisit Eve par son astuce, les mauvaises doctrines ne corrompent en toi la chasteté que tu m’as vouée [6] ; si donc tu ne connais en toi ces caractères, « sors, sors. » À d’autres je dirai : « Entre dans la joie de ton Seigneur[7] ; » à toi je ne dirai pas : Entre ; mais : « Sors », joins-toi à ceux qui nous ont quittés. « Sors ; » mais seulement « si tu ne te connais pas ; » car si tu te connais, entre. « Si tu ne te connais pas, sors sur les traces des troupeaux et pais tes boucs au milieu des tentes des pasteurs[8]. »« Sors sur les traces », non pas du troupeau, mais « des troupeaux ; et pais », non pas, comme Pierre, mes brebis, mais « tes boucs », – « au milieu des tentes », non pas du pasteur, « mais des pasteurs », non pas de l’unité, mais de la désunion, sans rester ou il n’y a qu’un troupeau et qu’un pasteur. Ainsi s’affermit, ainsi s’édifie, ainsi devient plus forte cette épouse bien-aimée, également prête à mourir pour son époux et à vivre pour lui.
9. Ces paroles que nous avons rappelées, viennent du livre sacré des Cantiques, lequel est comme l’épithalame de l’Époux et de l’Épouse. Il y a en effet des noces spirituelles qui demandent de nous une grande pureté ; car le Christ a accordé à son Église d’être spirituellement ce que fut corporellement sa mère, vierge et mère tout à la fois. Mais à ces mêmes paroles les Donatistes donnent un sens particulier bien différent et complètement faux. Je ne veux pas manquer de vous le faire connaître, ni de vous exposer brièvement ; avec la grâce de Dieu et dans la mesure de mes forces, comment vous pouvez leur répondre. Lorsque nous pressons les Donatistes en leur montrant cette vive lumière de l’unité de l’Église répandue dans tout l’univers, lorsque nous leur demandons de citer dans l’Écriture quelque passage où Dieu ait prédit que son Église s’établirait en Afrique pendant que les autres contrées seraient comme perdues pour lui ; voici ce qu’ils ont l’habitude de répondre : L’Afrique est au midi ; lors donc que l’Église demande au Seigneur où il paît, où il repose, le Seigneur répond : « Au midi. » La question serait alors contenue dans ces mots. « Apprenez-moi, vous que chérit

  1. Ps. 54, 13-15
  2. 1 Jn. 11, 19
  3. Jug. 14, 1 ss
  4. Jn. 21, 15
  5. Ps. 44, 14
  6. 2 Cor. 11, 2-3
  7. Mt. 25, 21-23
  8. Cant. 1, 6-7