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n’avons vu que des ornements dans le décachorde. Ses dix préceptes se rapportent en effet, comme nous l’avons entendu, au double commandement de l’amour de Dieu et du prochain ; et ces deux derniers à cet autre : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse [1]. » Dans ce seul précepte sont compris et les dix et les deux.
15. Tu diras : En dérobant je fais ce que je ne veux pas endurer ; je le fais aussi en mettant à mort. Si je refuse d’honorer mes parents comme je veux être honoré de mes enfants, je fais ce que je ne veux pas souffrir ; je le fais aussi en commettant ou en essayant de commettre quelque adultère, car il n’est personne qui consente à ce que son épouse en commette. En convoitant la femme de mon prochain, je ne veux pas que l’on convoite la mienne et je fais ce que je ne veux pas qu’on me fasse. En convoitant aussi ce qui appartient à mon prochain, je ne veux pas qu’on dérobe mon propre bien et je fais à autrui ce que je ne veux pas pour moi. Mais si je vais à une fille de, joie, qui en souffre ? Qui ? Voici ce qui est plus grave, c’est Dieu même. Votre sainteté le comprendra. Cette recommandation : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, » se rapporte à deux préceptes. Comment ? Si tu ne fais pas à un homme ce que tu ne veux pas endurer de la part d’un homme, tu observes le commandement qui concerne le prochain, l’amour du prochain, les sept cordes. Mais si tu veux faire à Dieu même ce que tu ne voudrais pas endurer de la part d’un simple mortel, quoi ? ne fais-tu pas à autrui ce que tu ne veux pas souffrir ? Préfères-tu l’homme à Dieu ? Comment, dis-tu, puis-je faire souffrir Dieu même ? – En te corrompant ? – Et comment puis-je outrager Dieu en me corrompant ? — De la même manière que t’outragerait celui qui s’aviserait de lapider le tableau où est peinte ton image, vaniteuse me fit appendue dans ta demeure, également incapable de sentir, de parler et de voir. Ne serait-ce pas t’injurier que de la lapider ? Et quand par les impuretés et les débordements de la passion tu corromps l’image de Dieu, qui n’est autre que toi-même ; tu observes que tu n’as point fréquenté la femme d’autrui, que tu n’as point manqué à ta propre femme, que tu n’as point de femme ! Tu ne vois donc pas de qui tes passions déréglées et tes débauches ont souillé l’image ? Dieu sait ce qui peut t’être utile ; c’est vraiment pour leur avantage et non pour le sien qu’il gouverne ses enfants ; il n’a pas besoin de leurs secours, c’est à toi que l’appui du Seigneur est indispensable. Or ce Dieu qui connaît ce qui t’est nécessaire, t’a accordé une épouse, rien de plus. Ce qu’il défend, ce qu’il interdit, c’est que des plaisirs coupables ne renversent point son temple, et tu as commencé à devenir ce temple. Est-ce moi qui parle ainsi ? Écoutez l’Apôtre : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » C’est à des Chrétiens, c’est à des fidèles qu’il adresse ce langage : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu. et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Or, si quelqu’un détruit par la corruption le temple de Dieu, Dieu le détruira [2]. » Voyez quelle menace ! Tu ne veux point qu’on renverse ta maison, et tu renverses la maison de Dieu ? Tu fais sûrement à autrui ce que tu ne veux pas endurer. Ainsi point d’échappatoire : voilà retenu celui qui croyait ne pouvoir l’être. Tous les péchés des hommes sont des actes qui corrompent ou des crimes qui nuisent. Parce que tu ne peux nuire à Dieu par tes crimes, tu l’offenses par tes impuretés, tu l’outrages par la corruption, tu l’injuries en toi-même ; car tu insultes à sa grâce, tu violes sa demeure.
16. Si tu avais un serviteur, tu voudrais qu’il te servit : sers donc un Maître meilleur, sers ton Dieu. Tu n’as point créé ton serviteur, c’est Dieu qui t’a créé comme lui. Tu veux être servi par celui avec qui tu as été formé et tu ne veux pas servir Celui qui t’a formé ? Mais en exigeant le service de cet homme, sans vouloir servir le Seigneur ton Dieu, ne fais-tu pas à Dieu ce que tu ne veux pas souffrir ? Ainsi donc ce précepte unique en renferme, deux, ces deux en comprennent dix, et ces dix, tous les autres. Chantez donc le cantique nouveau sur le psaltérion à dix cordes ; et pour chanter ce' chant nouveau, soyez des hommes nouveaux Aimez la justice : elle a sa beauté. Si vous ne voulez, point la contempler, c’est gaie vous ne l’aimes pas ; car vous la verriez si vous n’aimiez pas, autre chose. Pourquoi loues-tu la fidélité lorsque tu la réclames de ton serviteur ? C’est une belle chose que la fidélité ! Mais tu la trouves belle quand tu la demandes à ton serviteur ; tu la vois quand tu la revendiques, et quand on la requiert de toi tu ne la vois plus. Tu vois l’or, tu ne vois

  1. Tob. 4, 16
  2. 1 Cor. 3, 16-17