Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


bâtit sur la pierre n’est-il pas en assurance contre le vent, contre la pluie, contre les flots [1] ? Ah ! plutôt viens avec moi t’appuyer sur cette pierre, sans prétendre être toi-même ma pierre.

9. L’Église peut donc dire aussi en terminant : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, puisqu’il a écrit de moi », attendu que je suis le corps de celui dont il a parlé. D’ailleurs Moïse a écrit de l’Église elle-même, puisque c’est de lui que sont ses paroles : « Toutes les nations seront bénies dans Celui qui sortira de toi[2] », qu’on lit dans le premier de ses livres. Oui, si vous croyiez Moïse vous auriez aussi foi au Christ. Mais parce que vous dédaignez l’autorité de Moïse, nécessairement aussi vous méprisez l’autorité du Christ. Ils ont Moïse et les prophètes, est-il dit, qu’ils les écoutent. Non, ô mon père Abraham, mais si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils l’écouteront. – S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, reprend le patriarche, ils « n’écouteront pas non plus celui qui ressusciterait d’entre les morts[3]. » C’est des Juifs qu’il est ainsi parlé, s’ensuit-il qu’on ne puisse appliquer cela aux hérétiques ? N’était-il pas ressuscité d’entre les morts, Celui qui disait : « Il fallait que le Christ souffrit et ressuscitât d’entre les morts le troisième jour ? » Je le crois. Je le crois aussi, dit l’hérétique. Tu le crois ? Pourquoi donc ne crois-tu pas également ce qui suit ? Tu crois : « Il fallait que le Christ souffrit et ressuscitât d’entre les morts le troisième jour. » Ceci est dit du Chef ; ce qui suit concerne l’Église, crois-le également : « Et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations. » Pourquoi croire ce qui est relatif au Chef, et ne croire pas ce qui est relatif au corps ? Que t’a fait l’Église, pour vouloir en quelque sorte la décapiter ? Tu veux lui enlever son Chef pour lui donner ta foi et laisser le corps comme un cadavre sans vie. En vain tu essaies de flatter le Chef comme un serviteur dévoué. En cherchant à décapiter, on attente à la vie du Chef comme à la vie du corps. Ils rougiraient de renier le Christ, et ils ne rougissent pas de renier ses paroles. Ni vous ni nous n’avons vu le Christ de nos propres yeux. Les Juifs l’ont vu, et ils l’ont mis à mort. Nous ne l’avons pas vu, et nous croyons en lui, nous gardons ses paroles. Vous estimez-vous semblables aux Juifs ? Ils le méprisèrent pendant qu’il était suspendu à la croix ; et vous le dédaignez pendant qu’il trône au ciel. Malgré leurs réclamations on laissa le titre du Christ ; et par vos efforts, vous anéantissez son baptême. Que nous reste-t-il donc à faire, mes frères, si ce n’est de prier pour ces orgueilleux, de prier pour ces superbes qui s’enflent et s’élèvent si haut ? Disons à Dieu : « Qu’ils reconnaissent que vous vous appelez le Seigneur, et que vous seul », et non les hommes, « vous êtes le Très-haut par toute la terre[4]. »

Tonnons-nous, etc.


SERMON CXXX. LE PAIN DE VIE[5].

ANALYSE. – Les cinq pains se multiplient dans les mains des Apôtres qui les distribuent, comme les enseignements de la loi quand on les répand. Mais de même que dans le froment la farine est cachée sous le son, ainsi Jésus-Christ est renfermé dans toute la loi et en se faisant homme il est devenu pour nous le pain de vie éternelle. Quand nous voyons ce qu’il a fait pour nous racheter, est-il possible que nous n’ayons pas en lui la plus entière confiance ? Et quand nous méditons les merveilles qu’il a opérées en notre faveur, soit dans la personne du père des croyants, soit dans sa propre personne, soit en nous, comment ne pas voir que ce qu’il nous promet est moins prodigieux que ce qu’il nous a accordé, et que le passé répond invinciblement de l’avenir ? Appuyons-nous avec joie sur cet incomparable protecteur.

1. Voilà un grand miracle, mes amis ; cinq pains et deux poissons ont suffi pour rassasier cinq mille hommes, et les restes des morceaux pour emplir douze corbeilles. Quel miracle ! Et pourtant nous n’en serons pas fort surpris si nous en considérons l’Auteur. S’il a multiplié cinq pains dans les mains qui les rompaient, n’est-ce pas lui qui multiplie les semences qui germent sur la terre et à qui peu de grains suffisent pour

  1. Mat. 7, 25
  2. Gen. 22, 18
  3. Luc. 16, 29-31
  4. Psa. 82, 19
  5. Jn. 6, 5-14