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Seigneur, Seigneur, quand vous ne faites pas ce que je dis [1] ? »
3. Laissons donc un peu les Juifs à qui le Seigneur s’adressait alors. Ils ne sont pas ici, ils refusent de nous entendre. Ils haïssent l’Évangile même et si pour faire condamner le Seigneur durant sa vie, ils ont évoqué contre lui de faux témoignages, ils en ont payé d’autres pour les faire déposer contre lui après sa mort. Croyez en Jésus, leur disons-nous. Nous croirions en un homme mort, nous répondent-ils ? — Mais il est ressuscité. – Nullement ; ce sont ses disciples qui l’ont enlevé du sépulcre. Ces acheteurs juifs aiment le mensonge et ils dédaignent la sincérité du Seigneur qui nous a rachetés. Ce que tu dis, ô Juif, a été acheté par les ancêtres, ils t’ont laissé la matière de leur trafic. Aie plus d’égards pour Celui qui t’a racheté, que pour celui qui t’a acheté le mensonge.
4. Mais je le répète, laissons-les et occupons-nous plutôt de nos frères avec qui nous traitons. Le Christ est à la fois le chef et le corps auquel nous appartenons. Comme Chef, il est au ciel ; comme corps, il l’est sur la terre ; comme Chef il est notre Seigneur, et comme corps, l’Église chrétienne. Or, vous vous souvenez de ces paroles : « Ils seront deux dans une seule chair. Ce sacrement est grand, observe l’Apôtre, je dis dans le Christ et dans l’Église ?[2]» Mais si tous deux ont la même chair, tous deux ont aussi la même voix ; et puisqu’en s’adressant aux Juifs ce qui nous a été rappelé par la lecture de l’Évangile, le Seigneur Jésus, notre Chef parlait à ses ennemis, que son corps ou l’Église parle également aux siens. Ainsi c’est à eux qu’elle parlera. Qu’a-t-elle à leur dire ? Je ne lui prêterai point ma voix, puisque ne formant avec le Christ qu’une mérite chair elle ne doit pas avoir une voix différente de la sienne. Disons-leur donc, disons-leur au nom de l’Église : O frères, ô enfants dispersés, ô brebis égarées, ô rameaux retranchés ; pourquoi m’outragez-vous ? Pourquoi ne me reconnaissez-vous point ? « Sondez les Écritures, puisque vous croyez y trouver l’éternelle vie ; elles rendent témoignage de moi. » Ce que disait notre Chef aux Juifs, son corps : vous l’adresse : « Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas[3]. » Pourquoi ? Parce que vous ne sondez point les Écritures, qui rendent témoignage de moi.
5. Voici un témoignage qui concerne le Chef : « Les promesses ont été faites à Abraham et à Celui qui naîtrait de lui. Il n’est pas dit : à ceux qui naîtront de lui, comme s’il s’agissait de plusieurs ; mais comme s’il ne s’agissait que d’un seul : à celui qui naîtra de toi, c’est-à-dire au Christ[4]. » Et voici, relativement au corps, le témoignage adressé à Abraham et rappelé par l’Apôtre quand il dit : « Les promesses ont été faites à Abraham : Je suis vivant, dit le Seigneur, et je le jure par moi-même : parce que tu as écouté ma voix et que tu n’as pas épargné ton fils chéri à cause de moi, oui, je te bénirai, oui, je te multiplierai comme les étoiles du ciel et comme le sable de la mer, et toutes les nations de la terre seront bénies en Celui qui sortira de toi[5]. » Ainsi voilà pour le Chef et voilà pour le corps. Prête maintenant l’oreille à un témoignage qui est exprimé en moins de mots et qui embrasse, presque dans une seule phrase, ce qui est relatif au Chef et ce qui est relatif au corps. Un psaume parle ainsi de la résurrection du Christ : « Élevez-vous au-dessus des cieux, Seigneur ; » puis il ajoute aussitôt en faveur de son corps : « Et que votre gloire se répande sur toute la terre[6]. » Voici pour le Chef : « Ils m’ont creusé les pieds et les mains, ils ont compté tous mes os, ils m’ont considéré attentivement, ils se sont partagé mes vêtements, ils ont tiré ma robe au sort. » Et quelques paroles plus bas, il est dit du corps « Les peuples les plus reculés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui ; toutes les patries se prosterneront en sa présence ; car au Seigneur est l’empire et il régnera sur les nations[7]. » Voici pour le Chef : « Il est comme l’époux qui sort du lit nuptial ; » et dans le même psaume il est dit de son corps : « Leur éclat s’est répandu par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités de l’univers[8]. »
6. Ces témoignages sont pour les Juifs et pour nos frères égarés. Pourquoi ? parce que ceux-ci reçoivent, aussi bien que les Juifs, ces livres sacrés de l’ancien Testament. Mais voyons s’il est vrai que clos frères reçoivent le Christ, repoussé par les Juifs. Parlez, ô Christ, parlez et pour vous, qui êtes le Chef, et pour votre Église, qui est votre corps, puisqu’en nous-mêmes la tête parle aussi pour tout le corps. Voici donc ce qu’il dit pour le Chef même : Il ressuscita d’entre les morts, il trouva ses disciples dans l’hésitation et dans le doute, la joie même

  1. Luc. 6, 46
  2. Eph. 5, 23, 31-32
  3. Jn. 7, 36
  4. Gal. 3, 16
  5. Gen. 22, 16-18
  6. Psa. 56, 6,12
  7. Psa. 21, 17-19, 28-29
  8. Psa. 18, 6, 5