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est porté à l’impureté, on y est porté parla délectation. Quand de son côté « l’esprit, convoite contre la chair », c’est que la chasteté fait aussi sentir ses charmes. Ah ! que l’esprit triomphé alors de la chair, ou qu’au moins il ne se laisse pas dompter par elle.L'impureté cherche les ténèbres ; la pureté se produit au grand jour. Vis comme tu aimes à être connu ; oui, même loin du regard des hommes ; ne fais que ce que tu veux qu’ils sachent, car celui qui t’a créé, te voit même dans l’obscurité. Pourquoi ces éloges publics décernés à la chasteté, tandis que les adultères eux-mêmes ne louent pas l’adultère ? C’est que celui qui accomplit la vérité vient à la lumière [1]. Mais on se sent attiré au plaisir honteux ; qu’on ne consente pas, qu’on résiste, qu’on repousse. N’en as-tu pas le moyen, puisque ton Dieu même est en toi, puisque tu as reçu l’Esprit qui est la source de tout bien ? Il est vrai que malgré sa présence la chair ne laisse pas que de convoiter contre l’esprit en lui insinuant des pensées perverses et en lui faisant sentir des attraits trop naturels. Qu’on suive alors la recommandation de l’Apôtre : « que le péché, dit-il, ne règne pas dans votre corps mortel[2]. » Il ne dit pas : Que le péché ne soit pas ; car il y est et on donne à ce désordre le nom de péché parce qu’on le doit au péché. Dans le paradis, la chair ne convoitait pas contre l’esprit, il n’y avait pas de combat, mais une paix sans trouble ; c’est seulement après la transgression, après que l’homme eut refusé d’obéir à Dieu et fut abandonné à lui-même, sans toutefois pouvoir être son maître, puisqu’il fut asservi à celui qui l’avait séduit, que la chair commença à convoiter contre l’esprit. C’est surtout dans les bons que se fait sentir cette convoitise ; elle est sans objet dans les méchants, attendu que sans l’Esprit, il ne saurait y avoir convoitise contre l’Esprit.
9. Ne t’imagine pas en effet que dans ces mots « La chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair », il s’agisse uniquement de l’esprit de l’homme. C’est l’Esprit de Dieu qui combat en toi, contre ce qu’il y a en toi d’opposé à toi-même. Tu n’as point voulu rester attaché au Seigneur ; tu es tombé, tu t’es brisé comme un vase qui s’échappe de ta main et qui vole en éclats. Et c’est parce que tu t’es brisé, que tu es ainsi ennemi de toi-même, opposé à toi-même. Détruis cette opposition et tu te répareras. Pour te faire connaître que cette réparation doit être l’œuvre de l’Esprit-Saint, le même Apôtre dit ailleurs : « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si vous mortifiez par l’Esprit les œuvres de la chair, vous vivrez. » Aces mots l’homme s’élève déjà, il se croit capable de mortifier par son propre esprit les œuvres de la chair. « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si vous mortifiez par l’Esprit les œuvres de la chair, vous vivrez. » Faites-nous donc connaître, ô Apôtre, de quel esprit il est ici question. Chacun en effet a un esprit naturel qui le caractérise, et c’est cet esprit qui fait l’homme, car l’homme est composé d’un corps et d’un esprit. C’est de cet esprit qu’il est dit : « Nul ne sait ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui [3]. » Ainsi l’homme a un esprit qui fait partie de sa nature, et c’est vous néanmoins qui dites : « Si vous mortifiez par l’Esprit les œuvres de la « chair, vous vivrez. » Quel est cet esprit ? Est-ce mon esprit ou l’Esprit de Dieu ? Je vous écoute et je n’en reste pas moins en suspens. Que dis-je ? Le mot esprit ne s’applique pas seulement à l’homme, il se dit aussi des animaux dans l’Écriture même ; on y lit que le déluge fit périr toute chair ayant en elle l’esprit de vie[4]. Il est donc bien vrai que cette expression est pour les animaux aussi bien que pour l’homme. Quelquefois aussi le vent est désigné sous ce même nom d’esprit. Ainsi on lit : dans un psaume : « Feu, grêle, neige, glace, esprit des tempêtes[5]. » Le mot d’esprit ayant donc tant d’acceptions différentes, dans quel sens, ô Apôtre, avez-vous dit que l’esprit doit mortifier les œuvres de la chair ? S’agit-il ici de mon esprit ou de l’Esprit de Dieu ? Écoute ce qui sait et tu comprendras, car l’Apôtre ajoute des paroles qui tranchent la question. Après ces mots : « Si vous mortifiez par l’Esprit les œuvres de la chair, vous vivrez ; » il écrit immédiatement : « Car ceux qui sont animés par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu[6]. » Pour agir tu as besoin d’être animé, et tu agis bien si tu es animé d’un bon esprit. Si donc tu ne comprenais pas de quel esprit il était question dans ces mots : « En mortifiant par l’Esprit les œuvres de la chair, vous vivrez ; » vois ton Maître, reconnais ton Rédempteur dans les paroles qui suivent. C’est ton Rédempteur effectivement qui t’a donné son Esprit, afin que par lui tu mortifies les œuvres de la chair.« Car

  1. Jn. 3, 21
  2. Rom. 6, 12
  3. 2Co. 2, 11
  4. Gen. 6, 17 ; 7, 22
  5. Psa. 148, 8
  6. Rom. 8, 13-14