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n’y a aucune comparaison à établir, et toutefois n’y peut-on signaler aucune ressemblance ? Ainsi, la parole que je vous adresse était d’abord dans mon cœur ; je te la donne et elle ne me quitte point ; elle n’était pas en toi et elle y est, mais en y allant elle demeure en moi. De même donc qu’elle frappe tes sens sans quitter mon cœur, ainsi le Verbe divin s’est montré à nous sans quitter son Père. Ma parole était en moi et elle est devenue voix ; le Verbe de Dieu était en son Père et il est devenu chair. Mais puis-je faire de ma voix ce qu’il a fait de sa chair ? Ma voix s’envole et je ne puis la retenir ; lui au contraire, complètement maître de sa chair en naissant, en vivant et en travaillant, l’a de plus ressuscitée après sa mort, puis il l’a conduite au Ciel comme le char sur lequel il était venu au milieu de nous. Donne à cette chair les noms de vêtement, de char ou de bête de somme, comme il est possible qu’il ait voulu nous l’indiquer lui-même en faisant placer sur cette monture le malheureux qui avait été blessé par les voleurs [1] ; donne-lui enfin le nom de temple qu’il s’est donné lui-même expressément[2] ; ce temple, après avoir été renversé, est maintenant assis à la droite du Père, et il viendra dans ce temple juger les vivants et les morts. Mais ce qu’il a enseigné par ses préceptes, il l’a montré par ses exemples et tu dois espérer pour ton corps ce que tu vois : dans le sien. Tel est l’objet de la foi, attache-toi à ce que tu ne vois pas encore ; il est nécessaire que la foi te tienne lié à ce que tu ne vois pas, pour n’avoir pas à rougir lorsque tu seras en face.


SERMON CXX. LE VERBE DE DIEU PARTOUT[3].

ANALYSE. – Afin de comprendre un peu comment le Verbe de Dieu est partout, rappelez-vous, non pas le soleil qui n’est pas en même temps partout, mais la parole humaine qui se trouve simultanément dans celui qui la prononce et dans tous ceux qui l’entendent.


1. Saint Jean commence ainsi son Évangile : « Au commencement était le Verbe. » c’est ce qu’il a vu. S’élevant donc au-dessus de toutes tes créatures, au-dessus des montagnes et, de 1a région de l’air, au-dessus des cieux et des astres, au-dessus des Trônes, des Dominations, des Principautés, des Puissances, de tous les Anges et de tous les Archanges, s’élevant au-dessus de tout, il a vu-le Verbe dès le commencement, et il s’en est pénétré ; il l’a vu supérieur à toute créature, c’est le mystère dont il a puisé la connaissance dans le cœur du Seigneur. Car ce saint Évangéliste était chéri spécialement de Jésus, chéri au point qu’il reposait sur sa poitrine[4], et c’est là qu’il devait puiser ce secret pour le divulguer dans son Évangile. – Heureux ceux qui l’écoutent et le comprennent ! Heureux aussi, mais moins heureux ceux qui le croient sans le comprendre ! Quelle parole humaine pourrait expliquer l’immense bonheur de voir le Verbe de Dieu ?
2. Élevez vos cœurs, mes frères, élevez-les autant

  1. Luc. 10, 34
  2. Jn. 2, 19
  3. Jn. 1, 1-3
  4. Jn. 12, 23-25