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Font-ils bien, sans saluer en chemin, sans prêcher l’Évangile par occasion ? Soyez leurs imitateurs comme ils le sont eux-mêmes du Christ[1]. Est-ce un homme de bien qui te prêche ? Comme le raisin sur la vigne. Est-ce un méchant homme ? Cueille le raisin sur l’épine. C’est une grappe avec sa branche qui s’est perdue dans une haie d’épines ; elle y a poussé, mais ce n’est point l’épine qui l’a produit. Ah ! quand tu rencontres ce phénomène et que tu es pressé de la faim, cueille ; mais cueille avec précaution, dans la crainte qu’en portant la main sur le raisin, tu ne sois déchiré par les épines. En d’autres termes, écoute ce qui est bien sans imiter ce qu’on fait de mal. Si ce malheureux prêche par occasion et salue en chemin, il aura à se repentir de n’avoir pas été fidèle à ce précepte du Christ ; « En route ne saluez personne ; » mais toi, tu n’auras pas à te repentir de recevoir ni de conserver précieusement le salut qu’ors te donne soit en passant, soit dans le but de te le donner. Revenons à l’Apôtre, écoute-le, voici son conseil : « Qu’importe ? dit-il ; pourvu que le Christ soit annoncé de quelque manière que ce puisse être, ou par occasion, ou par un vrai zèle, je m’en réjouis et je continuerai à m’en réjouir ; car je sais que grâces à vos prières, ceci tourne à mon salut[2]. »
11. Ah ! que ces Apôtres du Christ, que ces prédicateurs de l’Évangile qui ne saluent pas en chemin, c’est-à-dire qui n’ont d’autre dessein, ni d’autre vue que d’annoncer l’Évangile avec uns sincère charité, entrent dans la maison et qu’il, disent : « Paix à cette demeure. » Ils ne le disent pas seulement de bouche, ils répandent ce dont ils sont remplis, ils prêchent la paix et ils ont la paix. Ils ne ressemblent pas aux infortunés qui répétaient : « Paix, paix, sans avoir la paix [3]. » Que signifie : « Paix, paix, et point de paix ? » Ils la prêchent, et ne l’ont pas ; ils la louent, sans l’aimer ; ils disent, et ne font pas. Pour toi, accepte la paix, que le Christ soit annoncé par occasion ou par un vrai zèle. Mais quand on est rempli de paix et qu’on dit en saluant : « Paix à cette demeure s’il y a là un fils de la paix, cette paix reposera sur lui ; sinon », s’il n’y a pas là un fils de la paix, celui qui l’a donné n’y aura rien perdu ; « elle vous reviendra », dit le Seigneur. Elle te reviendra, sans qu’elle t’ait quitté. En d’autres termes : Il te sera utile de l’avoir annoncée, mais lui ne gagnera rien de l’avoir refusée. Si ton vœu est resté sans effet, tu n’as point pour cela perdu ta récompense ; il en est accordé une à la bonne volonté, une à la charité que tu as déployée ; et tu la recevras de Celui-là même qui t’en donne l’assurance quand il fait dire aux Anges : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté[4]. »


SERMON CII. BIEN VIVRE POUR BIEN MOURIR[5].

ANALYSE. – Bien vivre, pour bien mourir, elle est la proposition de ce petit et admirable discours. Pour savoir en quoi consiste la bonne mort, saint Augustin ne veut pas qu’on s’en rapporte au témoignage des yeux ; il veut qu’on consulte la foi. Mais quelle différence la foi nous montre entre les suites de la mort de Lazare et les suites de la mort du mauvais riche ! Ah ! qu’on multiplie avec soin les bonnes œuvres pour avoir part à l’heureuse mort de Lazare.


1. Ce que disait à ses disciples Notre-Seigneur Jésus-Christ, on récrivait alors et on prenait les moyens de le faire arriver jusqu’à nos oreilles. Ainsi ce sont ses paroles que nous venons d’entendre. Eh ! que nous servirait de le voir sans l’entendre ? Aujourd’hui encore nous ne perdons rien à ne pas le voir, puisque nous l’entendons. Il dit donc : « Qui vous méprise, me méprise. » Si ce n’est qu’à ces Apôtres qu’il a dit : « Quivous méprise me méprise », méprisez-nous ; mais si c’est sa parole même qui nous a été adressée, qui nous a appelé et mis à leur place ; prenez garde de nous mépriser ; l’injure que vous nous feriez pourrait monter jusqu’à lui. Et si vous ne nous craignez point, craignez Celui qui a dit : « Qui vous méprise, me méprise. » Mais qu’avons-nous à vous dire, nous qui ne craignons vos mépris, que pour avoir à nous réjouir de votre bonne conduite ? Que vos bonnes

  1. 1Co. 4, 16
  2. Phi. 1, 18-19
  3. Jer. 8, 11
  4. Luc.

    no match

    2, 14
  5. Luc. 10, 16