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Mais comment l’Église est-elle comparée à un angle ? Parce qu’elle attire à elle, d’un côté les Juifs et d’un autre côté les Gentils ; ils sont comme deux murs qui viennent de directions différentes, qui se réunissent en elle et dont elle maintient l’union par la grâce qui produit la paix dans son sein. « Car le Christ est notre paix, et de deux choses il en a fait une seule [1]. »
5. Voilà donc des actes et des expressions dans le sens propre, ainsi que des paroles dans le sens figuré. Vous demandez maintenant des exemples d’actions figuratives. Il en est beaucoup. Citons provisoirement le trait que nous rappelle ce que nous venons de dire de la pierre angulaire. C’est l’onction que fit Jacob à la pierre qu’il avait placée sous sa tête durant ce sommeil mystérieux où il vit des échelles qui allaient de la terre au ciel, des hommes qui montaient et descendaient, et le Seigneur debout au sommet de ces échelles. Cette dernière circonstance lui fit comprendre ce que devait signifier cette pierre, et pour nous démontrer qu’il n’était point étranger au sens de cette vision, de cette révélation sublime, il répandit sur cette pierre l’onction destinée à rappeler qu’elle figurait le Christ[2]. Pourquoi t’étonner de cette onction ? N’est-ce pas d’onction que vient en grec le nom de Christ ? Ce même Jacob est donc appelé dans l’Écriture un homme sans artifice ; il y porte aussi le nom d’Israël, vous le savez. N’est-ce pas pour cela qu’il est écrit dans l’Évangile qu’en voyant Nathanaël le Seigneur s’écria : « Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a point d’artifice ? » Mais ne sachant encore qui lui adressait la parole, cet Israélite répliqua : « D’où me connaissez-vous ? « — Lorsque tu étais sous le figuier, répondit le Seigneur, je t’ai vu ; » c’est-à-dire, lorsque tu étais encore dans les ombres du péché, je t’ai prédestiné. Mais lui, se rappelant avoir été sous un figuier quand le Seigneur n’était point présent, reconnut sa divinité et s’écria : « C’est vous le Fils de Dieu, c’est vous le Roi d’Israël. » C’est ainsi, c’est ainsi qu’en reconnaissant le Christ, il n’était point devenu une figue sèche tombée sous le figuier. Le Seigneur ajouta : « Parce que j’ai dit t’avoir vu lorsque tu étais sous le figuier, tu crois : tu verras de plus grandes choses. » Quelles sont-elles ? Rappelle-toi d’un côté qu’il s’agit ici d’un Israélite sans artifice ; souviens-toi aussi qu’il est dit de Jacob qu’il était également sans artifice, et que le Seigneur fait allusion à la pierre qu’il avait sous la tête, à ce qu’il vit dans son sommeil, aux échelles qui allaient de la terre au ciel, et aux anges qui montaient et qui descendaient. Tu comprendras alors le sens de la réponse que fait le Sauveur à cet Israélite sans artifice. « En vérité je vous le déclare, dit donc Jésus ; vous verrez le ciel ouvert : » Nathanaël, sans artifice, écoute bien ce que rit Jacob, sans artifice également : « vous verrez le ciel ouvert, et les anges montant et descendant : » vers qui ? « Vers le Fils de l’homme[3]. » Le Fils de l’homme était donc la pierre mystérieuse, qui soutenait le chef de Jacob ; et de fait si l’homme est le chef de la femme, le Christ à son tour est le chef de l’homme[4]. Si le Sauveur ne dit pas que les Anges montaient au-dessus du Fils de l’homme et descendaient vers lui, c’est pour ne pas laisser croire qu’il fût seulement au ciel et seulement sur la terre. « Ils monteront et descendront vers le Fils de l’homme. » Car il est au ciel et c’est lui qui crie : « Saul, Saul. » Il est aussi sur la terre, et c’est pourquoi il ajoute« Pourquoi me persécutes-tu[5] ? »
6. J’ai cité des expressions à prendre dans le sens propre : nous ressusciterons; des actes pris également à la lettre : Paul monta à Jérusalem pour y voir Pierre; des expressions figurées : la pierre réprouvée par les constructeurs; un acte figuratif aussi : l’onction de la pierre placée sous la tête de Jacob. Je dois maintenant, pour vous satisfaire, produire un trait qui soit en même temps littéral et figuré. Nous savons tous qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, et l’autre de la femme libre voilà tout à la fois un évènement et un récit à entendre dans le sens propre. Mais qu’y a-t-il de figuré ? « Ce sont là les deux alliances[6]. » Des expressions figurées sont donc des espèces de fictions. Mais comme elles finissent par avoir une signification, et une signification conforme à la vérité, on ne saurait les accuser de mensonge. Un semeur s’en alla semer, et pendant qu’il semait, la semence tomba une partie dans le chemin, une partie dans des endroits pierreux, une autre au milieu des épines, une autre enfin sur une bonne terre. Quel est ce semeur ? Quand s’en alla-t-il ? Quelles sont les épines ? Quelles sont les pierres ? Quel est le chemin ? Quel est le champ où il jeta sa semence ? Si tu vois ici une fiction, comprends assurément qu’elle signifie quelque chose. Or, c’est bien une fiction. Si d’ailleurs il

  1. Eph. 2, 14
  2. Gen. 28, 11-18
  3. Jn. 1, 47-52
  4. 1Co. 11, 3
  5. Act. 9, 4
  6. Gal. 4, 22, 24