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son pardon, la grâce de prêcher et d’accorder la rémission des péchés.
35. Mais d’après le récit des deux autres Évangélistes, ce qui amena le Sauveur à exprimer cette pensée sur le blasphème contre le Saint-Esprit, c’est qu’il venait de parler de l’esprit impur divisé contre lui-même. Où avait effectivement accusé le Seigneur de chasser les démons au nom du prince des démons ; il répondit qu’il les chassait au nom de l’Esprit-Saint ; de cette sorte, l’Esprit d’union vainc et met en fuite l’esprit de division, tandis qu’on se perd éternellement avec ce dernier en refusant la paix offerte par l’Esprit d’unité. Voici le texte de saint Marc : « En vérité je vous le dis, tous les péchés seront remis aux hommes, et même les blasphèmes dont ils se seront rendus coupables ; mais celui qui aura blasphémé contre « l’Esprit-Saint, n’en aura jamais le pardon, « il demeurera chargé d’un péché éternel [1]. » Après avoir rapporté ces paroles du Seigneur, l’historien ajoute en son nom propre : « C’est qu’on disait : Il est possédé d’un esprit impur[2]. » Cette réflexion est destinée à montrer que le motif pour lequel Jésus parla ainsi, venait de ce qu’on l’avait accusé de chasser les démons au nom de Béelzébud leur prince. Ce blasphème, sans doute, n’était pas irrémissible, puisqu’on en obtient le pardon en en faisant bonne pénitence ; mais ce qui porta, comme je l’ai remarqué, le Sauveur à exprimer ce sentiment, c’est qu’il avait été question de l’esprit immonde que le Seigneur montre divisé contre lui-même, au lieu que le Saint-Esprit non-seulement ne l’est point, mais encore unit entre eux tous ceux qu’il attire à lui en leur remettant leurs péchés et en habitant en eux après les avoir purifiés ; afin de réaliser ce qui est écrit aux Actes des Apôtres : « La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme[3]. » On ne résiste à cette offre du pardon qu’en y opposant la dureté d’un cœur impénitent. Ailleurs en effet les Juifs ayant encore accusé le Seigneur d’être possédé par le démon[4], il ne leur dit rien du blasphème contre le saint-Esprit, parce que leur langage sur cet esprit impur ne pouvait servir à leur prouver qu’il était divisé contre lui-même, comme ce qu’ils dirent de Béelzébud, à qui ils attribuaient le pouvoir de chasser les démons,
36. Mais on voit bien plus clairement, en lisant saint Matthieu, ce que voulait faire entendre le Seigneur, savoir qu’on parle contre l’Esprit-Saint quand on résiste avec un cœur impénitent à l’unité de l’Église où s’accorde par le Saint-Esprit la rémission des péchés. Ceux-là en effet, je l’ai déjà dit, n’ont pas l’Esprit-Saint, qui emportant avec eux et administrant les sacrements du Christ, sont séparés de son Église. Le Sauveur donc, après avoir observé que Satan serait divisé contre Satan et que lui-même ne chassait les démons qu’au nom du Saint-Esprit qui n’est pas divisé contre lui-même comme l’esprit mauvais, ajoute aussitôt dans l’intention de montrer que, malgré les sectes qui se forment sous son nom en dehors de son bercail, son royaume n’est pourtant pas divisé contre lui-même : « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui ne recueille pas avec moi dissipe. » Ainsi donc renie comme lui appartenant tous ceux qui en recueillant sans lui ne recueillent pas mais dissipent. Il poursuit : « Aussi je vous le déclare, on pardonnera aux hommes toute espèce de péché et de blasphème mais non le blasphème contre le Saint-Esprit. » Que veut dire ceci ? Que le seul blasphème contre l’Esprit-Saint ne sera pas effacé, parce que n’être pas avec le Christ c’est être contre, et ne recueillir pas avec lui c’est dissiper ? Oui certainement ; car ne pas recueillir avec lui, quoiqu’on l’entreprenne sous son nom, c’est n’avoir pas l’Esprit-Saint.
37. Voilà, voilà ce qui nous fait voir absolument que la rémission de tout péché et de tout blasphème n’est possible qu’au sein de la société chrétienne qui ne dissipe point, parce qu’elle est formée par l’Esprit-Saint qui n’est pas divisé comme l’est l’esprit immonde. Aussi ces autres communions ou plutôt ces autres désunions qui se nomment les Églises du Christ, qui sont divisées et opposées l’une à l’autre et de plus ennemies de la société où règne l’unité, c’est-à-dire de la véritable Église, n’appartiennent pas à la communauté formée par le Fils de Dieu, quoiqu’elles semblent porter son nom. Elles lui appartiendraient si l’Esprit-Saint qui forme cette société, était un Esprit de division. Mais il n’en est point ainsi, puisque n’être pas avec le Christ c’est être contre lui, et que ne pas recueillir avec lui, c’est dissiper. Il s’ensuit qu’on obtiendra la rémission de tout péché et de tout blasphème dans la société que forme le Christ par l’Esprit-Saint, l’Esprit d’union.

  1. Mrc. 3, 28-29
  2. Id. 30
  3. Act. 4, 3
  4. Jn. 7, 20 ; 8, 48