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et spirituelle de la religion, qu’à un membre séparé du corps de demeurer sensible.
33. Ceci une fois constaté, comme la rémission ne se donne que par le Saint-Esprit, il en résulte qu’elle ne s’obtient que dans l’Église qui possède le Saint-Esprit. La rémission des péchés fait réellement que le prince du péché, que l’esprit divisé contre lui-même, ne règne plus en nous ; que délivrés de la tyrannie de l’esprit impur, nous devenons ensuite le temple de l’Esprit Saint, et que Celui qui nous purifie en nous octroyant le pardon, devient notre hôte pour nous aider à pratiquer, à accroître et à accomplir la justice dans toute sa perfection. Aussi, dès son premier avènement, lorsque ceux qui l’avaient reçu parlaient les langues de tous les peuples et que Pierre s’adressait aux témoins étonnés de cette scène, « ils furent touchés de componction en leur cœur, et ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : Que ferons-nous, frères ? Montrez-le-nous. Pierre alors leur répondit : Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés ; et vous recevrez le don de l’Esprit Saint [1]. » On vit donc ces deux choses dans l’Église, savoir, la rémission des péchés et la réception du don qui communiquait le Saint-Esprit. Si ce fut au nom du Christ, c’est que lui-même avait dit, en promettant l’Esprit-Saint : « Le Père l’enverra en mon nom[2]. » L’Esprit-Saint, en effet, n’habite nulle part sans le Père et le Fils, comme le Fils ne réside nulle part sans le Père et l’Esprit, ni le Père nulle part sans les autres personnes. Elles ne sauraient habiter séparément puisque toujours elles agissent ensemble. On les énonce séparément, néanmoins, à l’aide des signes créés, et non en les considérant dans leur nature ; par exemple, en articulant l’une après l’autre des syllabes qui occupent des temps déterminés, sans que les divines personnes soient elles-mêmes séparées par aucun laps de temps. On ne peut en effet les nommer jamais ensemble, bien que jamais elles ne puissent être qu’ensemble. Mais, comme nous l’avons remarqué déjà plusieurs fois, si la rémission des péchés qui renverse et dissipe la tyrannie de l’esprit divisé contre lui-même, si la société formée par l’unité de l’Église de Dieu, en dehors de laquelle il n’y a point pardon des fautes, sont considérées comme l’œuvre produite spécialement par le Saint-Esprit, avec le concours du Père et du Fils ; c’est que l’Esprit-Saint est en quelque sorte le lien spécial du Père et du Fils. Le Père effectivement n’est pas commun au Fils et au Saint-Esprit, puisqu’il n’est pas le Père de l’un et de t’autre ; le Fils à son tour n’est pas commun au Père et à l’Esprit-Saint, puisqu’il n’est pas le Fils de tous deux ; au lieu que le Saint-Esprit étant l’Esprit du Père et du Fils, est commun au Père et au Fils.
34. Ainsi donc, tout homme coupable d’impénitence contre l’Esprit à qui l’Église doit son unité et son harmonie, n’en obtiendra jamais lé pardon, parce qu’il s’est fermé la demeure oit le pardon s’octroie ; il mérite d’être condamné avec l’Esprit toujours divisé contre lui-même, pour s’être opposé à l’Esprit-Saint en qui ne règne jamais aucune division. C’est ce que nous enseignent les textes mêmes de l’Évangile, si nous les méditons avec soin.D'après saint Luc effectivement, ce n’est pas en répondant à l’accusation de ne chasser les démons que par le prince des démons, que notre Seigneur déclare irrémissible le blasphème contre le Saint-Esprit ; ce qui prouve qu’il a enseigné cela plus d’une fois. Il n’en faut pas moins examiner avec soin en quelle circonstance il a tenu ce langage. Il parlait de ceux qui le confesseraient ou qui le renieraient devant les hommes. « Je vous l’assure, dit-il, quiconque m’aura confessé devant les hommes, le Fils de l’homme aussi le confessera devant les Anges de Dieu ; mais qui m’aura renié devant les hommes, sera renié devant les Anges de Dieu. » Afin toutefois de ne pas désespérer l’Apôtre Pierre qui l’a renié jusqu’a trois fois devant les hommes, il ajoute aussitôt : « Si quelqu’un parle contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais il ne sera point pardonné à celui qui aura blasphémé contre l’Esprit-Saint[3] ; » c’est-à-dire qui se sera rendu coupable de ce blasphème d’impénitence qui empêche la rémission des, péchés accordée dans l’Église par le Saint-Esprit, Tel ne fut pas le blasphème de Pierre, puisqu’il se repentit bientôt en pleurant amèrement[4] ; puisqu’il triompha de l’esprit de division qui avait demandé à le tourmenter et contre qui le Seigneur le protégea en, demandant que sa foi ne défaillît point[5] ; puisqu’enfin il reçut sans résistance l’Esprit-Saint qui lui accorda, outre

  1. Act. 2, 37-38
  2. Jn. 14, 26
  3. Luc. 13, 8-10
  4. Mat. 26, 69-75
  5. Luc. 22, 31-32