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« Votre père et moi nous vous cherchions dans l’affliction », il répliqua : « Ignoriez-vous que je dois être occupé des affaires de mon Père ? » Il ne voulait pas laisser croire que tout en étant leur fils il n’était pas en même temps le Fils de Dieu ; car il est et il est toujours le Fils de Dieu, créateur de ses parents mêmes. Mais fils de l’homme dans le temps et né miraculeusement d’une vierge, il avait néanmoins un père et une mère. Comment le prouver ? Marie l’a déjà dit : « Votre père et moi nous vous cherchions dans l’affliction. »
18. En vue surtout de l’instruction des femmes, de nos sueurs, ne passons point sous silence, mes frères, cette sainte modestie de la Vierge Marie. Elle avait donné le jour au Christ, un ange était venu vers elle et lui avait dit : « Tu vas concevoir dans ton sein et tu enfanteras un fils. Il sera grand et sera appelé le Fils du Très-Haut[1]. » Elle avait mérité de donner le jour au Fils du Très-Haut, et elle était si humble ! Même en se nommant elle ne se préférait pas à son mari, elle ne disait pas : moi et votre père, mais : « votre père et moi. » Elle ne considère point sa dignité de mère, mais l’ordre du mariage. Ah ! Jésus-Christ est trop humble pour avoir enseigné l’orgueil à sa mère. « Votre père et moi nous vous cherchions dans les larmes. – Votre père, et moi » ensuite ; car l’homme est le chef de la femme[2]. Combien moins doivent s’enorgueillir les autres femmes ! Si ce nom a été donné à Marie, ce n’est point qu’elle ait perdu sa virginité, c’est pour suivre l’usage de sa nation. L’Apôtre a dit de Jésus-Christ Notre-Seigneur qu’« il est né d’une femme[3] ; » mais sans se mettre en contradiction avec notre foi, qui professe hautement qu’il est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie, car elle conçut Vierge, Vierge elle enfanta et elle demeura Vierge. La langue hébraïque, en effet, donne le nom de femme à toutes les personnes du sexe. En voici une preuve manifeste ; c’est que la première femme, tirée par Dieu du côté d’Adam, portait ce nom avant de s’unir avec l’homme, ce qui n’arriva qu’après leur expulsion du paradis. L’Écriture dit expressément : « Dieu en forma la femme[4]. »
19. Ainsi donc, lorsqu’en répondant : « Je devais m’occuper des affaires de mon Père », Jésus-Christ Notre-Seigneur indique que Dieu est son Père, il ne nie pas que Joseph le soit aussi. Où en est la preuve ? Dans l’Écriture quand elle dit : « Et il leur répondit : Ignoriez-vous que je dois m’occuper des affaires de mon Père ? Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait ; puis étant descendu avec eux il vint à Nazareth et il leur était soumis [5]. » Il n’est pas écrit : Il était soumis à sa mère, ni : il lui était soumis ; mais « Il leur était soumis. » A qui ? N’est-ce pas à ses parents ? C’est à ses deux parents qu’il se soumettait avec la même condescendance qui le rendait fils de l’homme. Nous venons de transmettre des règles de vie aux femmes ; c’est maintenant au tour des enfants d’en recevoir. Qu’ils apprennent donc à obéir à leurs parents, à leur être soumis. L’univers est soumis au Christ, et le Christ est soumis à ses parents !
20. Vous voyez donc, mes frères, qu’en disant « Il faut que je m’occupe des intérêts de mon Père ; » il ne prétend pas dire : Vous n’êtes pas mes parents. Ils étaient ses parents dans le temps, son Père est son Père dans l’éternité. Eux sont les parents du Fils de l’homme ; le Père est le Père de son Verbe, de sa Sagesse et de cette Vertu suprême par laquelle il a tout formé. Si par elle il a tout formé, car elle atteint d’une extrémité à l’autre avec force et dispose tout avec douceur[6] ; » par le Fils de l’homme ont été formés aussi ces parents auxquels il devait plus tard se soumettre comme Fils de Dieu. L’Apôtre le nomme fils de David : « Il lui est né, dit-il, de la race de David, selon la chair[7]. » Le Sauveur néanmoins propose aux Juifs une question que l’Apôtre résout dans ces mêmes paroles. Si après ces mots : « Il lui est né de la race de David », il ajoute : « selon la chair », c’est pour faire entendre que selon sa divinité fi n’est pas fils de David, mais Fils de Dieu et Seigneur de David. Aussi en faisant ailleurs l’éloge de la race juive : « De leurs pères, dit le même Apôtre, est né selon la chair le Christ qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles[8]. – Selon la chair ; » par là il est fils de David ; « au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles », il est par là le Seigneur de David. Le Seigneur demanda donc aux Juifs : « De qui dites-vous que le Christ est fils ? – De David, répondirent-ils. » Ils le savaient pour l’avoir saisi facilement dans les écrits des Prophètes. Et Jésus était réellement le fils de David,

  1. Lc. 1, 31-32
  2. Ephée. 5, 23
  3. Gal. 4, 4
  4. Gen. 2, 22
  5. Lc. 2, 49-51
  6. Sag. 8, 1
  7. Rom. 1, 3
  8. Id. 9, 6