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quoi qui me déplaît. Je voudrais être ferme, mais je tremble encore. En vous parlant je suis debout, je ne suis pas renversé puisque je crois ; mais je chancelle : « Aidez mon incrédulité[1] » Ainsi, mes bien-aimés, celui-là même que j’ai en face, avec qui je suis dans une controverse que j’ai demandée au Prophète de vouloir bien dirimer, n’est pas non plus entièrement étranger à la vérité quand il dit : Je veux comprendre pour croire. Pourquoi ce que je dis présentement, sinon pour amener à croire ceux qui ne croient pas encore ? Mais peuvent-ils croire s’ils ne comprennent ce que je dis ? Il est donc vrai sous un rapport que l’on doit comprendre pour croire, et il est vrai aussi de dire avec le prophète, que l’on doit croire pour comprendre. Donc entendons-nous. Oui, il faut comprendre pour croire et croire pour comprendre. Voulez-vous que j’explique en deux mots et qu’il n’y ait plus de contestation possible ? Je dirai à chacun : Comprends ma parole, pour croire, et crois la parole de Dieu pour comprendre.


SERMON XLIV. LES GRANDEURS DU CHRIST DANS SA MORT[2].

ANALYSE. – Ce discours n’est que le commentaire de la célèbre prophétie d’Isaïe relative à la passion du Messie. Saint Augustin en l’expliquant prémunit ses auditeurs contre deux sortes d’ennemis, contre les hérétiques qui nient la divinité de l’Église et contre les Juifs qui contestent la résurrection et la divinité du Sauveur. La grandeur du Fils de Dieu se reflète ainsi dans la gloire de l’Église catholique et dans le triomphe remporté sur la mort. Conclusion pratique : Profitons avec soin des grâces du Fils de Dieu, car il nous en sera demandé un compte rigoureux.


1. Depuis des siècles nombreux, frères bien-aimés, il a été prédit de notre Seigneur et Sauveur qu’ « il s’élèvera comme un arbrisseau et comme une racine d’une terre aride. » Pourquoi comme une racine ? Parce qu’« il n’a ni éclat ni beauté. » Il a souffert, il a été humilié, conspué : il était alors sans beauté ; il était Dieu et on ne voyait en lui que l’homme. Mais si la racine n’est pas belle en elle-même, elle a une vigueur intérieure qui fait son mérite. Écoutez, mes frères, et considérez la miséricorde de Dieu. Voici un arbre magnifique, délicieux, son feuillage est vert, il est chargé de fruits. On admire cet arbre, on se plaît à en cueillir quelques fruits, à s’asseoir sous son ombre, à s’y abriter contre la chaleur. Tout cela est beau. Qu’on t’en montre la racine, tu n’y vois rien à admirer. Ne la méprise pas néanmoins ; cette partie abjecte est le principe de ce qui te ravit. C’est pourquoi le Christ est comparé à la racine qui sort d’une terre aride. Contemplez maintenant cet arbre dans sa gloire.
2. L’Église a grandi, les gentils ont reçu la foi, les princes de la terre ont été vaincus au nom du Christ afin d’être vainqueurs dans l’univers. Ils ont courbé la tâte sous le joug du Sauveur. Autrefois ils persécutaient les Chrétiens à cause de leurs idoles, ils renversent maintenant les idoles à cause du Christ. Dans toutes les calamités et toutes les angoisses tous ont recours à l’Église. C’est le grain de sénevé qui a grandi et qui s’est élevé au-dessus de toutes les plantes ; les oiseaux du ciel, c’est-à-dire les orgueilleux du siècle accourent et reposent sous ses rameaux [3]. D’on lui vient tant de beauté ? Cette beauté si honorée vient de je ne sais quelle racine. Cherchons celui qui est cette racine. Il a été conspué, humilié, flagellé, crucifié, blessé, méprisé. Ici, donc il est sans beauté : mais quelle gloire il a dans l’Église ! C’est ici la description de l’Époux, de l’époux dédaigné, déshonoré, rejeté. Mais vous pouvez voir à l’instant même l’arbre sorti de cette racine ; il couvre l’univers. « Racine d’une terre aride. »
3. « Il est sans éclat et sans gloire ; et nous l’avons vu : il n’avait ni éclat ni beauté. » – « N’est-ce pas le fils du charpentier[4] ? » Ne fallait-il pas qu’il fut étrangement privé de cette beauté mystérieuse quand on disait : « N’avons-nous pas droit de soutenir que tu es livré au démon[5] ? » À son nom seulement les démons prenaient la fuite et on lui reproche d’être livré

  1. Mc. 9, 22-23
  2. Is. 53, 2
  3. Mt. 13, 31-32
  4. Mc. 6, 3
  5. Jn. 8, 48