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pour que tu y trouves de quoi te consoler, te rassurer, te donner la confiance de demander et d’espérer l’accomplissement des divines promesses.
14. Qu’ai-je à faire ? diras-tu : que m’ordonnes-tu de mettre sur le fuseau ? Écoute ce qui suit : « Elle a ouvert ses mains au pauvre. » Allons, ne rougissons pas de vous enseigner le saint art de travailler la laine. N’est-il pas vrai que si l’on a une bourse pleine, des greniers et des celliers remplis, tout cela est en quelque sorte attaché à la quenouille ? Qu’on les fasse donc passer sur le fuseau. Voyez comment file cette femme, net, ou plutôt neiat; peu m’importe en effet de blesser les grammairiens quand il s’agit de faire comprendre à tout le monde. « Elle a ouvert ses mains au pauvre ; elle a donné le fruit à l’indigent. » – Les mains au pauvre, le fruit à l’indigent. Le pauvre regarde tes mains ; l’indigent te demande le fruit. Celui qui ne te demande que pour subvenir à ses besoins, c’est le pauvre qui cherche tes mains. Il en est un autre, c’est l’indigent qui dit : « Nous n’avons rien et nous possédons tout [1] : » celui-là ne veut point par tes dons subvenir à ses propres besoins ; mais il cherche du fruit sur l’arbre sacré qu’il a planté et arrosé. Écoute cet indigent ; il dit de quelques-uns, en parlant dans le même sens que nous : « Non que je désire le don, mais je cherche le fruit[2]. »
15. « Lorsque son Époux est absent, il n’a point d’inquiétude sur ce qui se passe à la maison. » – « Son Époux est sans inquiétude sur ce qui se passe à la maison : » le Seigneur connaît ceux qui sont à lui[3]. Comment serait-il inquiet ? N’a-t-il pas « appelé ceux qu’il a prédestinés, justifié ceux qu’il a appelés et glorifié ceux « qu’il a justifiés ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous[4] ? » : « Son Époux est sans inquiétude : » il connaît les siens, et les siens le connaissent. « Lorsqu’il est absent. » Où est-il, sinon au lieu d’où il doit venir ? Il y demeure en quelque sorte, il diffère de venir. Beaucoup soupirent après son avènement, mais leur désir est ajourné jusqu’à ce que se complète le nombre des membres de la femme forte. Beaucoup au contraire abusent de ce retard en faveur de leur impiété. Le mauvais serviteur dit : « Mon maître diffère de venir », et il commence à frapper les autres serviteurs, à s’enivrer avec les méchants. Mais « son maître viendra au jour qu’il ne sait et aux moments qu’il ignore, puis il le séparera. » Ceci désigne le corps des ministres et des chefs qui donnent pendant la vie la nourriture aux autres serviteurs. Le Maître « le séparera. » Il y a dans ce corps les bons et les méchants ; les méchants seront séparés des bons. « Il en placera une partie avec « les hypocrites : » une partie et non tout le corps ; parmi eux aussi il en est qui soupirent après l’avènement du Seigneur ; il en est qui font partie du nombre dont il est dit : « Heureux le serviteur que son maître, à son arrivée, trouvera se conduisant ainsi [5] ! » Il viendra donc et le séparera.
16. En attendant il demeure quelque part, mais sans inquiétude sur ce qui se passe dans sa maison. « Tous en effet y sont vêtus. » Comment avec une telle épouse prendre soin de la nudité de ses serviteurs ? Ils ont le meilleur vêtement. Voulez-vous en connaître la valeur ? « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous êtes revêtus du Christ[6]. – « Tous », sans exception, « sont vêtus chez elle : » tous, les bons et les mauvais serviteurs. Les bons ont revêtu Jésus-Christ, non-seulement dans la forme du sacrement, mais encore dans les œuvres dont il est le modèle, et en marchant sur ses traces ; quant aux autres, en rendant compte des vêtements qui leur ont été donnés, ils rendront compte aussi du sacrement lui-même. Cette femme néanmoins ne cesse de vêtir les uns et les autres, afin d’ôter à tous le droit de se plaindre, le droit de dire : Je n’ai pas bien travaillé parce que je n’avais pas de vêtements. Considérez donc quels doivent être les vôtres. Travaillons aussi pour en acquérir ; « car tous chez elle en sont pourvus. »
17. Que réserve-t-elle à son Époux ? Quand elle fait tant pour ses serviteurs, ne fait-elle rien pour son Époux ? « Elle a préparé à son Époux double manteaux. » Déjà vous applaudissez, vous connaissez sans doute quels sont ces doubles manteaux que fait l’Église à son Époux. Les manteaux qu’elle lui prépare sont ses louanges ; les louanges de la foi, les louanges de la confession, les louanges de la prédication. Pourquoi dire que ces manteaux sont doubles ? Parce qu’en louant le Christ tu loues à la fois sa divinité et son humanité. Loue-le doublement, et loue-le simplement : doublement, car il est Dieu et homme : simplement, c’est-à-dire sans feinte. Je ne sais quelle femme ; clans la société d’un certain Photin, espèce de pierre précieuse tombée de la

  1. 2 Cor. 6, 19
  2. Phil. 4, 17
  3. 2 Tim. 2, 19
  4. Rom. 8, 30-31
  5. Lc. 12, 45, 46, 43
  6. Gal. 3, 27