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c’est-à-dire le chef et les membres. Nous sommes les membres du Christ ; donc espérons l’héritage : quand tout sera passé nous aurons en partage un bonheur qui ne passera point et nous échapperons à un malheur qui ne passera point non plus : le bonheur et le malheur sont également éternels. Si Dieu a fait aux siens des promesses éternelles, il n’a pas fait aux impies de temporelles menaces. Il a promis aux saints une vie, un bonheur, un royaume un héritage sans fin : ainsi il a menacé les impies d’un feu quine s’éteindra point. Si nous n’aimons point encore ses promesses, redoutons au moins ses menaces.


SERMON XXIII. Prononcé dans la basilique de Fauste[1]. DE LA VUE DE DIEU.[2].

ANALYSE. – Ce discours n’est autre chose que le développement de ces paroles sacrées. « Vous m’avez tenu par la main droite, vous m’avez conduit dans votre volonté et vous m’avez reçu dans votre gloire[3] » En suivant avec attention le savant docteur nous constaterons qu’un ancien écrivain ecclésiastique n’a pas eu tort de donner à ce discours le titre que nous venons de reproduire. – I. Vous m’avez tenu par la main droite. Il est beaucoup plus dangereux de parler que d’écouter, surtout quand on enseigne l’Écriture. On doit éviter en effet d’expliquer charnellement le langage charnel qu’elle emploie pour nous rendre spirituels. Gardez-vous donc de prendre à la lettre ce que dit ici le prophète et de croire que Dieu l’ait pris réellement par la main droite. Il s’agit d’un sens bien plus beau. – II. Vous m’avez conduit dans votre volonté. L’Écriture nous apprend que Dieu habite en nous, malgré son immensité. Il y habite par la charité. Appelée avec raison plutôt des arrhes qu’un gage, la charité est la source de tous les dons divins ; Dieu conduit avec prédilection l’âme qui en est ornée. Où la conduit-il ? – III. Vous m’avez reçu dans votre gloire. Les anciens que l’Écriture nous représente comme ayant vu Dieu ne l’ont pas vu en lui-même ; ils ont vu simplement l’apparence sous laquelle il se montrait à eux. Ce bonheur ne leur suffisait pas, ils ont désiré ardemment voir Dieu en lui-même, Travaillons comme eux à être reçus par lui dans sa gloire – Mais pour y parvenir soyons des enfants de paix[4].


1. Considérons comme un sujet d’entretien ce qu’en chantant nous venons de dire au Seigneur ; faisons de ces paroles le sui et de notre discours. Après avoir dit à Dieu : « Vous m’avez tenu par la main droite, vous m’avez conduit dans votre volonté et vous m’avez reçu dans la gloire ; » prions-le de répandre plus de lumière dans nos cœurs et de nous aider, par sa miséricorde et par sa grâce, moi à parler, vous à apprécier. Pour faciliter la parole nous paraissons debout en un lieu plus élevé ; mais c’est vous qui êtes réellement en un lieu plus élevé ; vous êtes nos juges, nous sommes jugés par vous. On nous appelle docteurs, mais nous avons souvent besoin d’un docteur et nous ne voulons point passer pour maîtres : il y aurait danger et prévarication, car le Seigneur a dit : « Ne cherchez point à être appelés maîtres ; vous n’avez qu’un maître, le Christ[5] » Il y a donc danger à être maître sécurité à être disciple. Aussi est-il dit dans un psaume : « Vous ferez entendre à mon oreille la joie et l’allégresse [6] ; » et l’on est moins exposé en entendant la divine parole qu’en la prêchant ; on reste tranquillement debout, on écoute et l’on se réjouit à la voix de l’Époux[7].
2. L’Apôtre avait été obligé de se faire docteur ; voyez donc ce qu’il dit : « J’ai été au milieu de vous dans la crainte et un grand tremblement[8]. » Ainsi n’est-il pas plus sûr de nous considérer tous, nous qui parlons, et vous qui écoutez, comme les disciples d’un même Maître ? Oui, il est plus sûr, il est avantageux que vous nous contiez, non comme vos maîtres, mais comme vos condisciples. Voyez si nous ne devons pas être inquiets ? « Frères, dit l’Écriture, ne vous faites point maîtres en grand nombre ; car nous faisons tous beaucoup de fautes. » Qui ne tremblerait devant ce mot : tous ? Ensuite ? « Si quelqu’un ne pèche point en paroles, c’est un homme parfait[9]. » Mais qui osera se dire parfait ? Il est donc vrai, celui qui demeure debout et écoute ne pèche pas en paroles ; mais lorsque celui qui parle ne pécherait point, ce qui est difficile,

  1. Il y avait à Carthage une basilique de ce nom.
  2. Ps. 72, 24
  3. Id
  4. Florus, Comen. sur l’Epît. aux Ephés. et sur l’Epît aux Hébr. Pour rapporter ce discours à la vue de Dieu, il es facile d’enchaîner ainsi les trois parties : 1° Ne considérons point Die comme un être matériel ; 2° il est invisible, puisqu’il habite en nous 3° quand nous le verrons, nous ne le verrons pas comme le vit Moïse sous une apparence étrangère, nous le verrons dans sa gloire.
  5. Mt. 23, 10
  6. Ps. 50, 10
  7. Jn. 3, 29
  8. 1 Cor. 2, 3
  9. Jac. 3, 1-2