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CHAPITRE V. QUI NEST PAS CONTRE VOUS EST POUR VOUS.

6. Saint Marc continue : « Dans ces jours, comme de nouveau la foule était très-nombreuse et qu’ils n’avaient rien à manger », etc, jusqu’à ces mots : « Jean lui répondit : Maître, nous avons trouvé quelqu’un qui chassait les démons en votre nom, il ne vous suit pas avec nous, et nous l’en avons empêché. Jésus répondit : Ne l’empêchez pas, car personne ne peut opérer des prodiges, en mon nom, et parler sitôt mal de moi ; celui en effet qui n’est pas contre vous est pour vous[1]. » Saint Luc raconte le même fait, mais il ne dit pas : « Personne ne peut opérer de prodige en mon nom et aussitôt parler mal de moi. » Ce silence ne saurait être regardé comme une contradiction. Mais en est-il de môme par rapport à cette maxime du Seigneur lui-même : « Qui n’est pas avec moi, est contre moi ; et qui ne recueille pas avec moi, dissipe[2] ? Si celui-là est contre lui, qui n’est pas avec lui, comment ne pas regarder comme étant contre lui, cet homme qui n’était pas avec lui, et dont saint Jean nous dit qu’il ne le suivait pas ? D’un autre côté, s’il était contre lui, comment le Sauveur dit-il à ses disciples : « Ne l’empêchez pas, car celui qui n’est pas contre vous, est pour vous ? » Comment ne pas voir une différence entre ces paroles : « Qui n’est pas contre vous est pour vous », et ces autres, qu’il s’applique à lui-même : « Qui n’est pas avec moi est contre moi ? » Celui qui est associé à ses disciples, comme étant ses membres, peut-il ne pas être avec lui ? autrement où serait la vérité de ces paroles : « Qui vous reçoit me reçoit[3]; ce que vous faites au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le faites[4]? » Ou bien celui qui est contre ses disciples peut-il ne pas être contre lui ? N’est-il pas dit : « Qui vous méprise me méprise[5]; quand vous ne l’avez pas fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous avez refusé de le faire[6] ; Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu[7] ;» quand ce n’était que ses disciples qu’il persécutait ? Ce que le Sauveur a voulu exprimer, c’est qu’on ne peut être avec lui, en tant que l’on est contre lui, et qu’en tant qu’on n’est pas contre lui, on est avec lui. Prenons pour exemple celui qui opérait des prodiges au nom de Jésus- Christ et cependant ne faisait pas partie de la société de ses disciples ; en tant qu’il opérait des prodiges en son nom, il était avec eux, et n’était pas contre eux ; mais en tant qu’il ne faisait pas partie de leur société, il n’était pas avec eux, il était contre eux. Voici donc que les apôtres lui interdisent ce qui seul le mettait avec eux, aussitôt Jésus-Christ de leur dire : « Ne l’empêchez pas. » Ils devaient empêcher ce qui en lui l’excluait de leur société, afin de l’amener à entrer dans l’unité de l’Église ; mais ils ne devaient pas empêcher ce qui le rapprochait d’eux, c’est-à-dire, de chasser les démons, au nom de leur Maître et Seigneur. Ainsi l’Église ne désapprouve pas, dans les hérétiques, les sacrements qui leur sont communs avec nous, car en cela ils sont avec nous et non pas contre nous ; mais elle improuve et défend la division jet la séparation ainsi que toute maxime contraire à la paix et à la vérité, car en cela ils sont contre nous, ils ne recueillent pas avec nous et par conséquent ils dissipent.

CHAPITRE VI. LE SEL ET LE PAIN.

7. Saint Marc ajoute : « Car quiconque vous donnera un verre d’eau, en mon nom, parce que vous appartenez au Christ, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense. Mais si quelqu’un: est un sujet de scandale à l’un de ces petits, qui croient en moi, il vaudrait mieux, pour lui, qu’on lui attachât une meule de moulin au cou, et qu’on le jetât dans la mer. Et si votre main vous est un sujet de scandale, coupez-la ; mieux vaut pour vous entrer dans la vie, n’ayant qu’une main, que d’en avoir deux et d’aller en enfer, dans ce feu inextinguible, où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas », etc, jusqu’à ces mots : « Ayez du sel en vous, et conservez la paix entre vous[8]. » Ces paroles, dans l’Évangile de saint Marc, suivent immédiatement l’histoire de celui qui chassait les démons, sans être à la suite de Jésus, et que Jésus ordonne de laisser faire. Certaines pensées ne se trouvent dans aucun autre Évangéliste certaines autres se rencontrent en saint Matthieu et en saint Marc ; mais ces Évangélistes les rapportent dans des circonstances différentes,

  1. Mrc. 8, 1, 60, 39 ; Luc. 9, 49,50
  2. Mat. 12, 30, Luc. 11, 23
  3. Mat. 10, 40
  4. Id. 25, 40
  5. Luc. 10, 16
  6. Mat. 25, 45
  7. Act. 9, 4
  8. Mrc. 9, 40-49