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LIVRE TROISIÈME.
De la Cène à l’Ascension.

PROLOGUE.

1. Dans cette dernière partie du récit des évangélistes, nous devons trouver, comme précédemment, l’accord le plus parfait, sauf certaines divergences qui consistent uniquement dans le silence gardé par tel auteur sur un événement ou une parole relatés par les autres. Afin de mieux faire ressortir cet accord ; il m’a paru plus naturel et plus simple de fondre ces quatre narrés en un seul, où seront coordonnés les témoignages de chaque évangéliste. De cette manière on jutera mieux de l’ensemble et de l’harmonie générale.

CHAPITRE PREMIER. LA CÈNE ET LE TRAÎTRE DÉVOILÉ.

2. Voici d’abord les paroles de Saint Mathieu : « Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit, le donna à ses disciples et dit : Prenez et mangez ; ceci est mon corps[1]. » Saint Marc et Saint Luc s’expriment de la même manière[2]. Il est à remarquer cependant que saint Luc parle deux fois du calice ; la première avant que le Sauveur donnât le pain, et la seconde après. La première fois qu’il en parle, c’est en intervertissant l’ordre, ce qui arrive fréquemment ; la seconde fois, c’est en rapportant au moment où elles ont été prononcées les paroles qu’il n’avait point relatées d’abord ; ces deux citations réunies présentent le même sens que chez les autres évangélistes. Saint Jean garde ici le silence le plus absolu sur le corps elle sang du Seigneur ; mais il avait rapporté au long les paroles du Sauveur sur le même sujet, dans un autre endroit de son Évangile[3]. Quand donc Il a raconté ici que le Seigneur s’est levé de table et a lavé les pieds à ses disciples ; quand il a même formulé la raison de ce profond abaissement de son maître, sans oublier les passages de l’Écriture qui annonçaient la trahison de Judas, il arrive à cette circonstance, insinuée seulement par les trois autres évangélistes : « Jésus, dit-il, ayant ainsi parlé, fut troublé dans sors esprit, manifesta complètement sa pensée et dit : En vérité, je vous l’affirme, l’un d’entre vous me trahira. Or, « ajoute saint Jean, les apôtres se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui Jésus parlait[4]. » Ou bien, comme le rapportent saint Matthieu et saint Marc : « Ils furent plongés dans la consternation et se mirent à dire les uns après les autres : Est-ce que c’est moi ? Jésus », continue saint Matthieu, « leur répondit : Celui qui met avec moi la main dans le plat, celui-là me trahira : » Le même évangéliste ajoute : « Pour ce qui est du Fils de l’homme, il s’en va, selon ce qui a été écrit de lui ; mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme sera trahi il eût été mieux pour lui de n’être pas né. » Saint Marc présente ici avec saint Mathieu une similitude parfaite. Ce dernier ajoute : « Là-dessus Judas, qui fut celui qui le trahit, s’écria : Maître, est-ce que c’est moi ? C’est toi qui l’as dit, lui répondit Jésus. » Mais ces dernières paroles ne révélaient pas clairement que Judas fut le traître. En effet, ne pouvait-on pas les interpréter comme si le Sauveur avait répondu : Je n’ai pas dit cela ? Du reste il est permis de supposer que les autres Apôtres restèrent étrangers à cet échange de paroles, entre le Seigneur et Judas.

3. C’est après cela que saint Matthieu, comme saint Marc et saint Luc, nous montre Jésus donnant à ses disciples son corps et son sang. À peine le Sauveur avait-il présenté le calice, qu’il parla de nouveau du traître qui devait le livrer ; saint Luc s’exprime ainsi : « Voici que la main de celui qui me trahit est avec moi sur cette table. « Quant au Fils de l’homme, il s’en va, ainsi que cela a été décidé ; mais malheur à l’homme par qui il sera livré ! » Il faut observer que ces paroles furent suivies de celles que saint Jean rapporte et qui sont omises par les autres évangélistes. De son côté, saint Jean en omet quelques-unes qui nous sont rapportées par eux.

  1. Mat. 26, 20-26
  2. Mrc. 14, 17-22 ; Luc. 22, 14-23
  3. Jn. 6, 32-64
  4. Jn. 13, 2-32