Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

cours un instant interrompu de leur narration, et relatent le discours que prononça le Seigneur deux jours avant la fête de Pâque. En effet, supprimons un instant les événements de Béthanie, rapportés comme en passant et rétablissons la suite du récit un moment suspendu ; voici comment tout s’enchaîne dans saint Matthieu : « Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours et que le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié. Alors les princes des prêtres et les anciens du peuple s’assemblèrent dans la salle du grand-prêtre appelé Caïphe, et tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse, et le faire mourir. Mais ils disaient que ce ne fût pas au jour de la fête, « de peur qu’il ne s’élevât du tumulte parmi le peuple. Alors un des douze, appelé Judas Iscariote, alla vers les princes des prêtres », etc. Entre ces mots : « De peur qu’il ne s’élevât du tumulte parmi le peuple », et les autres : « Alors un des douze, appelé Judas Iscariote, s’en alla », se trouvent rappelés, en passant, les faits accomplis à Béthanie ; nous les avons supprimés dans ce nouveau récit, afin de prouver que la suite des événements ne présente rien de contradictoire. Si nous supprimons également dans saint Marc le même festin de Béthanie, qu’il reprend aussi de plus haut, nous aurons les faits dans le même ordre : « Or, c’était la Pâque et les azymes deux jours après, et les princes des prêtres et les Scribes cherchaient comment ils se saisiraient de lui par ruse et le feraient mourir. Mais ils disaient que ce ne fût pas au jour de la fête, de peur qu’il ne s’élevât quelque tumulte parmi le peuple… Alors Judas Iscariote, un des douze, alla trouver les princes des prêtres[1], », etc. Et, après ces paroles : « De peur qu’il ne s’élevât quelque tumulte parmi le peuple », que nous faisons suivre de ces autres : « Alors Judas Iscariote, un des douze », se trouve également intercalée l’histoire de Béthanie, reprise de plus haut. Saint Luc ne dit rien de Béthanie. Nous avons donné ces explications, parce que saint Jean, en racontant ce qui s’est passé à Béthanie, dit que ce fut six jours avant la Pâque ; tandis que saint Matthieu et saint Marc, après avoir rapporté qu’on était au second jour avant la fête, rappellent cette histoire de Béthanie mentionnée en saint Jean.

CHAPITRE LXXIX. FESTIN DE BÉTHANIE.

154. Saint Matthieu continue ainsi le passage déjà cité à la fin de l’examen que nous venons de faire : « Alors les princes des prêtres et les anciens du peuple s’assemblèrent dans la salle du grand-prêtre appelé Caïphe, et tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse et le faire mourir. Mais ils disaient que ce ne fût pas au jour de la fête, de peur qu’il ne s’élevât du tumulte parmi le peuple. Or, comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, vint auprès de lui une femme ayant un vase d’albâtre plein d’un parfum de grand prix, et elle le répandit sur sa tête lorsqu’il était à table », etc, jusqu’à ces mots : « On dira même, en mémoire d’elle, ce qu’elle vient de faire[2]. » Examinons maintenant l’histoire de cette femme qui vint à Béthanie, avec son parfum d’un grand prix. Saint Luc raconte un fait semblable ; c’est le même nom donné à celui chez qui vint manger le Seigneur, il l’appelle Simon. Mais s’il n’est point impossible ni contraire à l’usage que le même homme porte deux noms à la fois, il est moins étonnant encore que le même nom soit donné à deux hommes différents. Aussi me paraît-il plus probable que Simon, dont parle saint Luc, n’est point le même que le lépreux chez qui eut lieu la scène de Béthanie. En effet, saint Luc ne dit nullement que ce qu’il raconte se passait en cette localité, et quoiqu’il ne désigne aucune autre ville, ni aucun autre bourg, son récit lui-même semble indiquer un endroit différent. C’est tout ce que je veux démontrer. Mais il ne faudrait pas voir une autre femme dans cette pécheresse qui vint aux pieds de Jésus, les baisa, les arrosa de ses larmes, les essuya avec ses cheveux, et y répandit son parfum, alors que le Seigneur, par la parabole des deux débiteurs, déclara que beaucoup de péchés lui avaient été remis, parce qu’elle avait beaucoup aimé. La même femme, Marie, répandit deux fois des parfums ; la première fois, lorsque, comme saint Luc le raconte, son humilité et ses larmes lui méritèrent le pardon de ses péchés[3]. Saint Jean ne rapporte point, comme saint Luc, les circonstances de ce fait, mais il fait connaître également que cette femme était Marie. En commençant

  1. Mrc. 14, 1-10
  2. Mat. 26, 3-13
  3. Luc. 7, 36-50