Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

Celui-ci n’est-il point, ou : Ne serait-il point Jean-Baptiste ? cette réflexion serait inutile, car on verrait de prime abord le doute et l’hésitation d’Hérode. Mais comme la forme interrogative manque dans les paroles du tétrarque, on peut ou la suppléer ou la négliger dans la prononciation ; et l’on est libre de comprendre ou bien que convaincu de ce qui se disait il parla comme n’ayant plus de doute, ou bien encore qu’il était dans l’hésitation marquée par le texte de saint Luc. D’ailleurs, après avoir rapporté que d’autres qu’Hérode disaient de Jean-Baptiste : Il est ressuscité d’entre les morts, saint Marc finit parfaire dire à Hérode lui-même : « Jean-Baptiste, à qui j’ai fait trancher la tête, est ressuscité d’entre les morts ; » et ces dernières paroles peuvent aussi être prononcées ou de manière à marquer la conviction, ou de manière à faire entendre le doute. Après avoir rapporté ce fait, saint Luc passe à un autre objet, mais saint Matthieu et saint Marc racontent à cette occasion comment Jean-Baptiste fut mis à mort par Hérode.

CHAPITRE XLIV. EMPRISONNEMENT ET MORT DE JEAN-BAPTISTE.

92. Saint Matthieu en effet continue ainsi : « Car, Hérode, ayant fait arrêter Jean-Baptiste, l’avait chargé de fers, et fait jeter en prison, à cause d’Hérodiade femme de son frère », et le reste, jusqu’à l’endroit où il dit : « Ses disciples vinrent ensuite prendre son corps, l’ensevelirent et allèrent porter cette nouvelle à Jésus[1]. » C’est ce, que raconte aussi saint Marc et dans le même ordre Marc, 6, 17-29 Marc, 6, 17-29]]</ref>. Mais saint Luc rappelle cet emprisonnement du précurseur, dans une autre occasion, au moment même du baptême de Jésus. Ce qui prouve qu’il raconte ce fait par avance. Car après avoir rapporté que Jean-Baptiste disait du Seigneur qu’il avait le van à la main, qu’il nettoierait son aire, mettrait le bon grain dans son grenier et brûlerait la paille dans un feu éternel ; il ajoute aussitôt le fait de l’emprisonnement que saint Jean l’évangéliste démontre clairement n’avoir eu lieu que plus tard ; car il dit qu’après son baptême, Jésus alla en Galilée, y changea l’eau en vin, demeura quelques jours à Capharnaüm, puis revint dans la terre de Judée, où il baptisa beaucoup de monde sur les bords du Jourdain, avant que Jean-Baptiste eût été mis en prison[2]. Quine croirait, s’il est peu versé dans la connaissance des saintes lettres, que ce fut en parlant du van et de l’aire nettoyée que saint Jean offensa Hérode, et que celui-ci le fit aussitôt jeter en prison ? La vérité, comme nous l’avons déjà démontré ailleurs, c’est que les choses ne sont pas relatées dans l’ordre où elles se sont accomplies ; la preuve en est ici même, dans le texte de saint Luc[3]. S’il était vrai que Jean eût été jeté en prison aussitôt après son, discours, comment expliquerait-on ce que dit le même évangéliste, que Jésus fut ensuite baptisé par saint Jean ? Il est donc manifeste que saint Luc s’est rappelé ce fait accidentellement et en a parlé par anticipation, et avant beaucoup d’autres choses qui ont précédé la détention de Jean-Baptiste. Ni saint Matthieu ni saint Marc, ne rapportent eux-mêmes ce fait dans l’ordre où il a eu lieu suivant le témoignage même de leurs écrits. Car eux aussi nous disent que Jean-Baptiste ayant été arrêté, le Sauveur alla en Galilée[4] ; c’est après avoir relaté de nombreux miracles opérés par Jésus dans ce pays, qu’ils en viennent à parler de la conviction ou de l’hésitation d’Hérode sur la prétendue résurrection de Jean qu’il avait fait décapiter[5], et des circonstances de l’emprisonnement et de la mort de Jean-Baptiste.

CHAPITRE XLV. MIRACLE DES CINQ PAINS.

93. Après avoir rappelé que la nouvelle de, la mort de Jean fut portée à Jésus-Christ, saint Matthieu poursuit ainsi : « Jésus, ayant appris cela, partit de là dans une barque pour se retirer à l’écart dans un lieu désert. Et le peuple l’ayant su, le suivit à pied, de diverses villes. Lors donc qu’il sortit de la barque, il vit une grande foule, il en eut pitié et guérit leurs malades[6]. » Selon le texte de l’évangéliste, ceci eut lieu immédiatement après la mort du précurseur. Par conséquent ce qui est raconté plus haut des miracles de Jésus, dont la nouvelle troubla Hérode et lui fit dire : « J’ai fait trancher la tête à Jean », n’arriva que plus tard. On doit en effet regarder comme postérieures des actions qui, portées à la connaissance d’Hérode

  1. Mat. 14, 3-12
  2. Jn. 2, 1-12 ; 3, 22-24
  3. Luc. 3, 15-21
  4. Mat. 4, 12 ; Mrc. 1, 14
  5. Mat. 14, 1-2 ; Mrc. 6, 14-16
  6. Mat. 14, 13-14