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CHAPITRE XXXIII. LE JOUG ET LE FARDEAU DU CHRIST. MAIN DESSÉCHÉE.

80. Saint Matthieu dit ensuite : « En ce temps-là, Jésus prononça ces paroles : Je vous bénis, « mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents ; » et le reste, jusqu’aux mots : « Car mon joug est doux et mon fardeau léger[1]. » Saint Luc, lui aussi, a cité ce discours ; mais en partie seulement. Car il ne dit pas : « Venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine », ni les paroles suivantes. Or, il est à croire que ceci n’a été dit qu’une fois, mais que saint Luc n’a pas tout rapporté. Aussi bien quand après les reproches du Sauveur aux villes impénitentes saint Matthieu nous fait lire : « En ce temps-là Jésus prononça ces paroles etc ; » saint Luc fait suivre ces mêmes reproches de quelques paroles encore, peu nombreuses, puis il dit : « A cette même heure Jésus tressaillit de joie dans le Saint-Esprit, et s’écria[2]. » Ainsi, quand saint Matthieu au lieu de dire : « En ce temps-là », aurait dit. « À cette même heure », l’expression n’eût pas laissé d’être exacte, tant est peu long ce qu’intercale saint Luc.


CHAPITRE XXXIV. ÉPIS ROMPUS.

81. Saint Matthieu continue ainsi : « En ce temps-là Jésus passait le long des blés, un jour de sabbat ; et ses disciples ayant faim, se mirent à rompre des épis et à en manger », et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Car le Fils de l’homme est le maître du sabbat même[3]. » C’est ce que rapportent aussi saint Marc et saint Luc, sans aucune apparence de contradiction[4]. Mais ils ne disent point : « En ce temps-là ; » ce qui peut faire croire que saint Matthieu a plutôt gardé ici l’ordre des événements, et les autres celui de leurs souvenirs ; à moins que les mots : « En ce temps-là », ne doivent se prendre dans un sens plus étendu et ne désignent tout le temps où s’accomplissaient tant de merveilles de tout genre.

82. Saint Matthieu poursuit : « Jésus s’étant éloigné de là, vint dans leur synagogue. Alors se présenta un homme qui avait une main desséchée », et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Il étendit sa main et elle devint saine comme l’autre[5]. » Saint Marc et saint Luc parlent aussi de la guérison de cet homme qui avait une main desséchée[6]. Or on pourrait croire que le fait arriva le même jour que ce qui est relatif aux épis. Car il s’agit encore d’un jour de sabbat : mais saint Luc déclare que cette guérison eut lieu un autre jour de sabbat. Ainsi donc ces termes de saint Matthieu : « Jésus s’étant éloigné delà, vint dans leur synagogue », nous font connaître, à la vérité, qu’il y vint seulement après s’être éloigné, mais ne nous disent pas combien de jours après, ni s’il y alla directement et immédiatement après avoir quitté le champ de blé ; ce qui donne place à la guérison de la main desséchée, rapportée par saint Luc à un autre jour de sabbat. Mais voici peut-être l’objet d’une difficulté. Selon saint Matthieu les Pharisiens interrogèrent le Seigneur et lui demandèrent s’il était permis de guérir quelqu’un le jour du sabbat », voulant trouver une occasion de l’accuser ; puis il leur proposa lui-même la comparaison suivante : « Quel est celui d’entre vous qui, ayant une brebis qui vienne à tomber dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisisse et ne l’en retire pas ? Or, combien un homme vaut mieux qu’une brebis ! Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat. » Saint Marc et saint Luc disent au contraire que ce fut le Seigneur, qui leur adressa cette question : « Est-il permis, les jours de sabbat, de faire du bien ou du mal ? de sauver la vie ou de l’ôter ? » Il faut donc entendre que d’abord ils interrogèrent le Sauveur, et lui demandèrent : « s’il était permis de guérir au jour du sabbat ; » qu’ensuite, connaissant les pensées de ces hommes qui cherchaient un moyen de l’accuser, il plaça au milieu d’eux celui dont il avait guéri la main ; qu’alors il leur adressa les questions rapportées par saint Marc et saint Luc ; puis, que les voyant garder le silence, il proposa la comparaison de la brebis tombée dans une fosse, et conclut au droit de faire du bien le jour du sabbat ; qu’enfin les ayant regardés

  1. Mat. 11, 25-30
  2. Luc. 10, 21
  3. Mat. 12, 1-8
  4. Mrc. 2, 23-28 ; Luc. 6, 1-5
  5. Mat. 12, 9-13
  6. Mrc. 3, 1-5 ; Luc. 6, 6-10