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certaine de la Providence divine, les deux qui appartiennent au nombre des disciples que le Seigneur a choisis avant sa passion, tiennent l’un la première place, c’est saint Matthieu, l’autre la dernière ; c’est Saint Jean ; ils semblent ainsi soutenir et protéger de tout côté, ainsi que des enfants chéris et placés entre eux à ce titre, les deux évangélistes qui, sans être des leurs, ont suivi le Christ en les écoutant comme ses organes.

4. La Tradition nous apprend, comme un fait bien avéré, que saint Matthieu seul parmi ces quatre évangélistes a écrit en hébreu et que les autres ont écrit en grec. Bien que chacun d’eux paraisse avoir adopté dans sa narration une marche particulière, on ne voit pas que les derniers aient écrit sans savoir que d’autres l’eussent déjà fait, et ce n’est pas par ignorance que les uns omettent certains événements rapportés dans les livres des autres. Chacun a voulu concourir efficacement à une œuvre divine, suivant l’inspiration qu’il avait reçue, sans s’aider inutilement du travail d’autrui. En effet, saint Matthieu a envisagé l’Incarnation du côté de l’origine royale de Notre-Seigneur et n’a guère considéré dans, les actes et les paroles de Jésus-Christ que ce qui a rapport à la vie présente des hommes. Saint Marc, qui vient après lui, semble être son page et son abréviateur. Car il n’emprunte rien de ce qui est exclusivement propre au récit de saint Jean ; il ajoute très-peu de choses â ce que nous savons d’ailleurs ; il prend encore moins dans les faits que saint Luc est seul à rapporter ; mais il reproduit presque tout ce que renferme le récit de saint Matthieu et souvent à peu-près dans les mêmes termes ; toujours d’accord avec cet Évangéliste, jamais en désaccord avec les deux autres. Pour saint Luc, on le voit surtout occupé de l’origine sacerdotale – du Seigneur et de son rôle de pontife. Aussi bien, dans la généalogie qu’il trace de Jésus-Christ, pour remonter jusqu’à David il ne suit pas la ligne royale, mais par une autre qui ne compte pas de rois, il arrive à Nathan fils de David[1], lequel ne fut pas roi non plus. Ce n’est pas comme saint Matthieu[2], qui de David vient à Salomon, héritier de son trône, et descend jusqu’à Jésus-Christ, en prenant par ordre tous les rois de Juda qu’il réunit dans un nombre mystérieux dont nous parlerons plus loin.

CHAPITRE III. ROYAUTÉ ET SACERDOCE DE JÉSUS-CHRIST.

5. Et en effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui seul est vrai roi et vrai prêtre, roi pour nous gouverner, prêtre pour nous purifier du péché, a montré dans la double dignité royale et sacerdotale, assignée chez ses ancêtres à des personnages différents, une figure de ce qu’il est lui-même. Il l’a fait voir, d’un côté, par cette inscription mise au haut de sa croix : « Jésus de Nazareth roi des Juifs », inscription que Pilate, poussé par une force mystérieuse, déclara vouloir maintenir en disant : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit,[3] » et aussi bien longtemps d’avance on lisait dans les Psaumes : « N’altérez pas l’inscription du titre[4]. » Il l’a fait voir d’un autre côté pour ce qui regarde sa qualité de prêtre, dans le grand mystère qu’il nous a dit d’offrir et de recevoir, et au sujet duquel il se fait adresser ces paroles par un prophète : « Vous êtes prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisédech[5]. » Beaucoup d’autres témoignages encore des divines Écritures nous présentent Jésus-Christ comme roi et comme prêtre. De là, David lui-même, dont il est avec raison plus souvent appelé le fils, que le fils d’Abraham, et sur qui saint Matthieu et saint Luc ont également fixé l’attention dans les généalogies qu’ils ont dressées ; l’un en descendant de lui par Salomon jusqu’à Jésus-Christ, l’autre e n montant de Jésus-Christ jusqu’à lui par Nathan ; David quoique proprement et évidemment roi, a néanmoins figuré aussi le sacerdoce de Jésus-Christ en mangeant des pains de proposition, dont l’usage n’était permis qu’aux prêtres[6]. Ajoutons que seul l’Évangéliste saint Luc rapporte le discours de l’ange à Marie, où nous apprenons la parenté de celle-ci avec sainte Élisabeth, épouse du grand-prêtre : et que parlant de Zacharie, il a soin de dire que sa femme était du nombre des filles d’Aaron, c’est-à-dire de la tribu sacerdotale[7].

6. Comme saint Matthieu a considéré en Jésus-Christ le titre de roi, et saint Luc le caractère de prêtre, ils ont donc l’un et l’autre fait ressortir tout particulièrement l’humanité du Sauveur. Car c’est à raison de sa nature humaine que Jésus-Christ est devenu roi et prêtre, c’est ainsi qu’il est le fils de David dont Dieu lui

  1. Luc. 3, 31
  2. Mat. 1, 6
  3. Jn. 19, 19-22
  4. Psa. 74, 1
  5. Id. 110, 4
  6. 1Sa. 21, 6 ; Mat. 12, 3
  7. Luc. 1, 36,5