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même âme, « dans la même demeure », afin qu’ils deviennent de vastes appartements habités par le Seigneur, et qu’ils soient exaucés en eux-mêmes. Il est, en effet, un vaste édifice, meublé non seulement de vases d’or et d’argent, mais aussi de vases de bois et d’argile. Les uns sont pour l’ornement, les autres pour l’ignominie ; mais si quelques-uns purifient en eux ce qui tient au vase d’ignominie[1], ils seront unanimes « dans une « maison e et deviendront ainsi le sanctuaire de Dieu. De même, en effet, que dans un vaste palais, le maître ne prend – point son repos dans un appartement quelconque, mais dans le lieu le plus honorable et le plus secret ; de même le Seigneur n’habite point chez tous ceux qui sont dans sa demeure, car il n’habite point en ceux qui sont des vases d’ignominie, mais il a son sanctuaire en ceux qu’« il fait habiter par l’accord des manières ou des mœurs, dans une seule maison ». Le mot grec, en effet, tropoi se peut traduire en latin par manières ou mœurs. Le grec ne porte pas non plus : « Il fait habiter dans » ; mais simplement : « Il fait habiter ». « Le Seigneur est » donc « dans son lieu sacré ». Quel est ce lieu ? Car c’est Dieu qui se le prépare. C’est Dieu, en effet, « qui fait habiter dans une même demeure les hommes d’une même âme » : c’est là son sanctuaire.
8. Vois aussi par le verset suivant que c’est bien la grâce qui se construit cet édifice, bien que ceux dont elle le construit ne l’aient prévenue par aucun mérite. « C’est lui qui dans sa force délivre les captifs ». Car il brise les entraves pesantes du péché, qui leur faisaient obstacle pour marcher dans la voie des commandements : il les délivre avec cette force qu’ils n’avaient pas avant sa grâce. « Il en est de même de ces rebelles qui habitent les sépulcres[2] » ; c’est-à-dire de ces pécheurs tout à fait morts, qui ne s’occupent que d’œuvres mortes. Ceux-ci sont rebelles, en effet, en résistant à la justice. Pour ces autres, qui sont captifs, ils voudraient peut-être marcher, mais ils ne le peuvent ; ils prient Dieu de leur en donner le pouvoir et lui disent : « Délivrez-moi de mes chaînes[3] » ; et lorsque Dieu les exauce, ils lui rendent grâce en disant : « Vous avez brisé mes chaînes[4] ». Quant à ces rebelles qui habitent les sépulcres, ils ressemblent à ceux dont l’Écriture a dit ailleurs : « Un mort, non plus que s’il n’existait pas, ne loue point le Seigneur[5] ». De là cette autre sentence : « Quand le pécheur est descendu au fond de l’abîme, il dédaigne[6] ». Il y a une différence entre désirer la justice et la combattre ; entre vouloir secouer le joug du mal, et défendre ses fautes plutôt que d’en faire l’aveu : or, la grâce du Christ délivre les uns et les autres dans sa force. Quelle force, sinon la force de résister au péché jusqu’à en mourir ? Car les uns et les autres de ces hommes deviennent propres à entrer dans la construction du sanctuaire de Dieu, les uns par la délivrance, les autres par la résurrection. Il ne fallut au Christ qu’un ordre pour délier cette femme que Satan tenait courbée vers la terre depuis dix-huit ans[7], et qu’un cri pour triompher de la mort de Lazare[8]. Celui qui a opéré ces merveilles sur des corps, peut en produire de bien plus admirables dans nos cœurs, et faire « que nous n’ayons qu’une âme pour habiter dans un même palais, en délivrant les captifs dans sa puissance, ainsi que les rebelles qui habitent les sépulcres ».
9. « Seigneur, quand vous sortiez à la vue de votre peuple[9] ». Le Seigneur sort quand il se montre dans ses œuvres. Or, il ne se montre pas à tous, mais seulement à ceux qui savent discerner l’œuvre divine. Car je ne parle point maintenant de toutes ces œuvres qui sont évidentes pour tous les hommes, des cieux, de la terre, des mers et de tout ce qu’ils renferment ; mais de ces œuvres par lesquelles « il délivre dans sa force les captifs ainsi que les rebelles qui habitent les sépulcres, et fait habiter un même palais à ceux qui ont un même cœur ». C’est ainsi qu’il marche sous les yeux de son peuple, ou sous les yeux de ceux qui comprennent cette grâce. Enfin, il poursuit : « Quand vous e parcouriez le désert, la terre fut ébranlée », C’était un désert que ces nations qui ne connaissaient point le Seigneur : un désert que ces lieux où Dieu n’avait donné aucune loi ; où n’habitait nul prophète pour annoncer l’avènement du Seigneur. Donc « quand vous parcouriez le désert », ou quand votre nom fut prêché parmi les Gentils, « la terre fut ébranlée », ces hommes terrestres furent poussés à embrasser la foi. Mais pourquoi fut-

  1. 2 Tim. 2,20
  2. Ps. 67,7
  3. Id. 24,17
  4. Id. 115,17
  5. Sir. 17,26
  6. Prov. 18,3
  7. Lc. 13,1
  8. Jn. 11,43-44
  9. Ps. 67,8