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même que le Seigneur a commandé, et que dès lors on doit toujours méditer. Voyons plutôt ce qu’a trouvé l’âme du Prophète après avoir sondé.
3. « La révélation de vos promesses répand la lumière et donne l’intelligence aux petits[1] ». Quels sont ces petits, sinon les humbles et les faibles ? Loin de toi donc tout orgueil ! arrière toute présomption de tes forces qui sont nulles, et tu comprendras pourquoi Dieu a donné une loi qui était bonne, sans pouvoir néanmoins donner la vie. Car le but de la loi était de rabattre ta grandeur pour te faire petit, de te montrer que tu n’as pas en toi-même la force d’accomplir la loi, de te forcer dans ton indigence et ton dénuement à recourir à la grâce et de t’écrier : « Ayez pitié de moi, Seigneur, à cause de ma faiblesse[2] ». Voilà que la méditation a fait comprendre au Prophète, qui est petit, cette vérité que nous montre celui qui se dit le moindre des Apôtres, saint Paul, lequel se fait petit enfant, c’est-à-dire qu’une loi impuissante à nous vivifier nous a été donnée : « Parce que l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse faite par Dieu fût accomplie par la foi en Jésus-Christ à l’égard de ceux qui croiront[3] ». Ainsi soit-il, Seigneur ! Oui, ainsi soit-il, Dieu de miséricorde ! commandez ce qu’on ne saurait accomplir, ou plutôt commandez ce qu’on ne saurait accomplir que par votre grâce, afin que cette impuissance des hommes à rien faire par leurs propres forces « leur ferme la bouche », et que nul ne croie plus à sa grandeur. Que tous deviennent petits, tous coupables devant vous. « Parce que nul homme ne sera justifié devant Dieu par les œuvres de la loi ; car la loi ne donne que la connaissance du péché. Maintenant la justice que Dieu donne sans la loi nous a été découverte, attestée par la loi et par les Prophètes[4] ». Tels sont vos admirables témoignages qu’a sondés l’âme de cet humble enfant, et il les a découverts, parce qu’il s’est fait humble et petit. Qui pourrait accomplir vos préceptes comme on doit les accomplir, c’est-à-dire par la foi qui opère dans la charité[5], si votre Esprit-Saint ne répandait lui-même cette charité dans les cœurs[6] ?
4. Voilà ce que proclame cet interlocuteur devenu humble : « J’ai ouvert ma bouche », nous dit-il, « et j’ai attiré l’esprit, parce que je brûlais d’ardeur pour vos commandements[7] ». Que désirait-il, sinon d’accomplir ces préceptes ? Mais, faible et petit, il ne pouvait accomplir des œuvres fortes et grandes ; il a ouvert la bouche, confessant ainsi ce qu’il ne pouvait faire de lui-même, et il a attiré la force de le faire ; il a ouvert la bouche en demandant, en cherchant, en frappant[8] ; dans sa soif, il a puisé l’esprit de sainteté qui lui a fait accomplir ce qu’il ne pouvait par lui-même, c’est-à-dire une loi sainte, et juste, et bonne[9]. Si nous, en effet, quoique méchant, nous savons donner ce qui est bon à nos enfants, à combien plus forte raison Dieu donnera-t-il du ciel l’Esprit de sainteté à ceux qui le demandent[10] ? Ce ne sont point ceux qui agissent par leur sens propre, mais tous ceux qui sont dirigés par l’Esprit de Dieu, qui sont fils de Dieu[11] ; non qu’eux-mêmes ne fassent rien, mais de peur qu’ils ne fassent rien de bon, c’est la bonté même qui les fait agir. Car chacun devient de plus en plus enfant de Dieu, à mesure que Dieu répand plus largement en lui l’Esprit de sainteté.
5. Enfin le Prophète continue à prier. Il a ouvert la bouche et attiré l’Esprit, mais il frappe encore à la porte du Père céleste ; il cherche encore. Il a bu ; mais plus il a goûté de délices, et plus ardente est sa soif. Écoutez les paroles de celui qui a soif : « Jetez les yeux sur moi », dit-il, « et prenez-moi en pitié, selon vos décrets envers ceux qui aiment votre nom[12] » ; c’est-à-dire, selon votre décret envers ceux qui aiment votre nom ; afin qu’ils vous aiment, vous les aimez le premier. C’est ce que dit saint Jean : « Nous aimons Dieu », dit-il ; et comme si nous lui demandions le motif de cet amour, il ajoute : « Parce qu’il nous a aimés le premier[13] ».
6. Vois encore ce que nous dit clairement le Prophète : « Dirigez mes pas selon vos préceptes, et que l’iniquité n’exerce point sur moi son empire[14] ». Qu’est-ce dire autre chose que : Donnez-moi la droiture et la liberté selon votre promesse ? Plus en effet l’amour de Dieu règne dans une âme, et moins l’iniquité y domine. Quel est donc l’objet de sa prière, sinon d’aimer Dieu par le

  1. Ps. 118,130
  2. Id. 6,3
  3. Gal. 3,21-22
  4. Rom. 3,19-21
  5. Gal. 5,6
  6. Rom. 5,5
  7. Ps. 118,131
  8. Mt. 7,7
  9. Rom. 7,12
  10. Lc. 11,10-13
  11. Rom. 8,14
  12. Ps. 118,132
  13. Jn. 4,19
  14. Ps. 118,133