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aient souffert avec tant de patience la mort du temps, et que les païens, à la prière des martyrs, aient pu arriver à la vie éternelle ? Le corps du Christ n’est-il point exercé de manière qu’il médite les témoignages du Seigneur et qu’il appelle sur les persécuteurs des témoins, les biens du ciel, en échange de leur malice ?

DIXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118

LE GOÛT DES BONNES ŒUVRES.

Comme le Prophète s’est attaché à la poussière, c’est-à-dire à la terre, ou même à ces affections du corps dont les convoitises sont contraires à celles de l’esprit, et dont il désire l’affaiblissement, il demande à Dieu, à cause de sa parole, ou de sa promesse qui fait de nous des enfants d’Abraham, de s’élever de plus en plus à la hauteur de la charité Pour n’en pas déchoir, il demande à Dieu la loi de la vie ou de la foi, puis s’applaudit de ce que Dieu a dilaté son cœur pour courir dans ses commandements, c’est-à-dire lui a donné le goût des œuvres saintes.


1. Voici ce que nous donne la suite de ce grand psaume qu’il nous faut considérer et expliquer selon qu’il plaît à Dieu : « Mon âme s’est attachée à la poussière, donnez-moi la vie selon votre parole[1] ». Qu’est-ce à dire « Mon âme s’est attachée à la poussière ? » Car en disant ensuite : « Vivifiez-moi selon votre parole », le Prophète montre qu’il avait énoncé d’abord pour quel motif il demandait la vie, lorsqu’il disait : « Mon âme s’est attachée à la poussière ». Si donc il demande la vie, parce que son âme s’est attachée au sol, l’on peut prendre cette expression dans un sens favorable. Toute la pensée en effet se réduit à dire Je suis mort, donnez-moi la vie. Quel est donc ce sol, cette poussière ? Si nous voulons regarder le monde entier comme un vaste palais, nous verrons que le ciel en est comme le dôme, et que le pavé sera la terre. Le Prophète alors demande à être délivré de la terre afin de dire comme saint Paul « Notre conversation est dans le ciel[2] ». Donc s’attacher aux choses terrestres, c’est la mort de l’âme, et dès lors dire : « Vivifiez-moi », c’est demander la vie contraire à cette mort.
2. Mais il faut voir si ces paroles ainsi entendues peuvent convenir à celui qui parlait tout à l’heure, de manière à se montrer plus attaché à Dieu qu’à la terre ; celui-là peut-il demander que sa conversation soit moins des choses de la terre que des choses du ciel ? Eh ! comment comprendre qu’il se soit attaché aux choses terrestres, celui qui dit de lui-même : « Votre serviteur s’exerçait dans vos œuvres e de justice, car vos témoignages sont l’objet « de mes méditations, et vos justifications sont « mon conseil ? » Telles sont en effet les paroles qui précèdent, et auxquelles il ajoute « Mon âme s’est attachée au pavé ». Nous faut-il comprendre par là que tant qu’un homme ait fait de progrès dans les voies du Seigneur, il ne laisse pas d’avoir en sa chair quelques affections terrestres en quoi consiste pour lui sur la terre[3] l’épreuve de la vie humaine ; et qu’à mesure qu’il avance, il passe tous les jours de la mort à la vie, par la grâce vivifiante de celui qui renouvelle chez nous, de jour en jour, l’homme intérieur[4] ? Et en effet, quand l’Apôtre disait : « Tant que nous habitons dans ce corps, nous marchons hors du Seigneur[5] » ; il souhaitait alors d’être dégagé des liens du corps, et d’être avec le Christ[6] et son âme s’était attachée à la poussière. Donc on peut fort bien, par le pavé, entendre le corps lui-même qui est terrestre et qui appesantit l’âme parce qu’il est corruptible[7] ; ce qui nous rait gémir et dire à Dieu : « Mon âme s’est attachée à la poussière ; donnez-moi la vie selon votre parole ». Car il n’est pas dit que ce sera dans nos corps que nous serons toujours avec le Seigneur[8] ;

  1. Ps. 118,25
  2. Phil. 3,20
  3. Job. 7,1
  4. 2 Cor. 4,16
  5. Id. 5,6
  6. Phil. 1,23
  7. Sag. 9,15
  8. 1 Thes. 4,12-16