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aux jours du vieil homme. Aussi dit-il maintenant : « Voici le jour que le Seigneur a fait[1] », ou le jour dans lequel il m’a sauvé. Tel est le jour dont il est dit : « Au temps favorable je t’ai exaucé, et au jour du salut je t’ai secouru[2] » : c’est-à-dire au jour où le Christ a été fait tête de l’angle. « Réjouissons-nous dès lors, et tressaillons de joie ».
20. « O mon Dieu, sauvez-moi ; ô mon Dieu, tracez-moi un chemin heureux vers la vérité[3] ». Puisque viennent les jours de salut, « sauvez-moi ». Puisque, au retour d’un long exil, nous nous séparons de ceux qui haïssaient la paix, avec lesquels nous étions en paix, et qui nous faisaient la guerre sans motif, quand nous leur parlions[4], « tracez pour notre retour un chemin heureux », parce que c’est vous qui vous êtes fait notre voie.
21. « Bienheureux, en effet, celui qui vient au nom du Seigneur[5] ». Maudit soit dès lors celui qui vient en son propre nom, ainsi qu’il est dit dans l’Évangile : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez point reçu ; qu’un autre vienne en mon nom, vous le recevrez ». « Nous vous avons béni de la maison du Seigneur ». Je crois qu’aux petits s’adressent ici les parfaits c’est-à-dire ces grands qui touchent de l’esprit, autant qu’on le peut en cette vie, le Verbe qui est Dieu et en Dieu. Et toutefois, ils abaissent leur discours au niveau de ces petits, afin de pouvoir leur dire ce que dit l’Apôtre : « Soit que nous soyons hors de nous-mêmes, c’est pour Dieu ; soit que nous soyons plus calmes, c’est pour vous ; puisque l’amour de Jésus-Christ nous presse[6] ». Les parfaits bénissent donc les petits, de l’intérieur de cette maison de Dieu où la louange en son honneur s’élèvera dans les siècles des siècles ; aussi voyez ce que de là ils annoncent aux hommes.
22. « C’est le Seigneur qui est Dieu, et sa lumière s’est levée sur nous[7] ». Ce Seigneur qui est venu au nom du Seigneur, que les architectes ont repoussé, et qui est devenu la tête de l’angle[8], ce médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme[9] qui est Dieu, qui est égal à son Père, c’est lui qui nous a éclairés, afin que nous comprenions ce que nous avons cru, et que nous vous le prêchions, à vous qui le croyiez déjà, mais sans le comprendre. Afin donc de le comprendre vous-mêmes, « Établissez-vous un jour de fête avec un grand concours de peuple, jusques aux cornes de l’autel » ; c’est-à-dire jusqu’à l’intérieur de la maison de Dieu, de cette maison d’où nous vous avons béni, et qui renferme ce qu’il y a de plus élevé dans l’autel. « Établissez-vous un jour de fête », non plus avec lenteur ni avec indifférence, mais avec un grand concours de peuple. Voilà ce que signifie cette voix de l’allégresse qui solennise un jour de fête, et que font retentir ceux qui marchent dans le lieu d’un tabernacle magnifique, jusqu’à la maison du Seigneur[10]. S’il y a là un sacrifice spirituel, un éternel sacrifice de louanges, il y a là aussi un prêtre éternel, et pour autel éternel l’âme des justes dans une souveraine paix. Pour parler plus clairement, mes frères, quiconque veut comprendre le Verbe qui est Dieu, ne doit point se contenter de cette chair dont le Verbe s’est revêtu pour lui, afin de le nourrir de lait, ni de célébrer sur la terre cette solennité dans l’immolation de l’Agneau ; mais il faut sans délai nous établir en grande foule, jusqu’à ce que nous élevions bien haut notre esprit vers le Seigneur, pour arriver jusqu’au divin tabernacle de celui qui a bien voulu nous donner pour nourriture le lait de son humanité visible.
23. Et là quelle sera notre occupation, sinon de chanter ses louanges ? Que pourrons-nous dire, sinon : « C’est vous qui êtes mon Dieu, je vous confesserai ; c’est vous qui êtes mon Dieu, et je publierai vos grandeurs ; je vous confesserai, Seigneur, parce que vous m’avez exaucé, et que vous vous êtes fait mon Sauveur[11] ? » Ces paroles ne s’exhaleront point avec bruit, mais elles seront l’expression de notre amour qui s’attachera de lui-même au Seigneur ; c’est l’amour qui sera notre voix. Voilà que le Prophète achève par la louange ce qu’il a commencé par la louange. « Confessez le Seigneur, parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde est éternelle[12] ». C’est ainsi que le Prophète a commencé, ainsi qu’il termine. Car, depuis ce commencement dont nous sommes éloignés, jusqu’à cette fin dernière où nous revenons, il n’est point de joie plus suave que la louange de Dieu, que l’éternel Alléluia.

  1. Isa. 49,8
  2. Ps. 117,25
  3. Id. 119,7
  4. Id. 117,26
  5. Jn. 5,43
  6. 2 Cor. 5,13-14
  7. Ps. 117,27
  8. Mt. 21,9-42
  9. 1 Tim. 2,5
  10. Ps. 41,5
  11. Id. 117,28
  12. Id. 29