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être vu »[1]. Au nom de qui, me diras-tu, faut-il toucher de la harpe, afin que mes œuvres soient dérobées au regard des hommes ? Voyez dans un autre endroit : « Que vos œuvres aient de l’éclat aux yeux des hommes, afin qu’ils voient vos bonnes actions, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux[2]. Qu’ils voient vos bonnes actions et qu’ils glorifient », non pas vous, mais Dieu, Car si vous ne faites le bien que pour en tirer une certaine gloire, on vous fera la réponse que fit le Sauveur à propos de certains hommes de cette catégorie : « En vérité, je vous le déclare, ils ont reçu leur récompense » ; et encore : « Autrement vous n’aurez point de récompense de « votre Père qui est dans les cieux’ ». Donc, diras-tu, je dois cacher mes œuvres, et ne point les faire en présence des hommes ? Point du tout. Que dit en effet le Sauveur ? « Que vos œuvres aient de l’éclat en présence des hommes ». Je demeurerai donc dans l’incertitude. D’une part, vous me dites : « Gardez-vous de faire vos œuvres de justice devant les hommes » ; et d’autre part : « Que vos œuvres aient de l’éclat en présence des hommes »[3]. Quel précepte écouter ? que faire ? que laisser ? Il y a pour l’homme la même impossibilité de servir deux maîtres, qui donnent des ordres différents, que d’en servir un seul, dont les ordres sont différents aussi. Mais le Seigneur n’a point dit : Mes préceptes sont différents. Remarque bien la fin, et chante pour la même fin ; vois pour quelle fin tu dois agir. Si tu agis pour en tirer ta gloire, voilà ce que je défends ; mais si c’est pour la gloire de Dieu, voilà ce que j’ordonne. Chantez donc sur la harpe, non pas en votre nom, mais au nom du Seigneur votre Dieu. À vous le chant, à lui la louange ; à vous de vivre saintement, à lui d’en retirer la gloire. D’où vous vient le moyen de vivre saintement ? Si vous l’aviez de toute éternité, votre vie n’aurait jamais été coupable ; si vous l’aviez de vous-mêmes, votre vie n’aurait jamais manqué d’être sainte. « Chantez donc sur la lyre au nom du Seigneur ».
4. « Mettez votre gloire dans ses louanges[4] ». Le Prophète veut que toute notre volonté soit pour la gloire de Dieu, il ne nous laisse aucun sujet de nous louer nous-mêmes. Il n’en faut que plus nous glorifier et nous réjouir ; attachons-nous au Seigneur, et qu’en lui soit notre louange. Dans la lecture de l’Apôtre vous avez entendu : « Considérez votre vocation, mes Frères, vous trouverez parmi vous peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu d’illustres ; mais Dieu a choisi ce qui est fou selon le monde, pour confondre les sages ; il a choisi ce qui est faible selon le monde, afin de confondre les forts ; il a choisi ce qu’il y a de plus vil, ce qui n’est rien comme ce qui est quelque chose, afin de détruire ce qui est[5] ». Qu’a-t-il voulu dire ? qu’a-t-il voulu montrer ? Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est Dieu, est venu restaurer le genre humain, et donner sa grâce à tous ceux qui comprennent qu’elle est un don de lui, et non un mérite de leur part ; et pour que nul homme ne pût se glorifier selon la chair, il a choisi les infirmes. Car le mérite ne fit pas choisir Nathanaël lui-même. Que diras-tu, en effet ? Voilà Matthieu le Publicain, choisi sur son comptoir[6], et le Sauveur ne choisit point Nathanaël à qui néanmoins il rend témoignage en ces termes : « C’est là un vrai israélite, sans déguisements[7] ». On comprend alors que Nathanaël était savant dans la loi. Non pas que le Sauveur ne dût pas choisir des savants ; mais s’il les eût choisis tout d’abord, ils auraient attribué leur élection au mérite de leur doctrine ; la louange eût été pour leur science, et la louange de la grâce dans le Christ en eût souffert. Il lui rendit témoignage comme à un bon fidèle qui n’a pas de déguisement, et néanmoins il ne le mit pas au nombre de ses disciples, qu’il choisit d’abord parmi les illettrés. Et qu’est-ce qui nous fait comprendre qu’il était habile dans la loi ? Quand l’un de ceux qui avaient suivi le Seigneur lui dit : « Nous avons trouvé le « Messie, appelé le Christ » ; il demanda d’où il était, et comme on lui répondit : « De Nazareth » ; « il peut », dit-il à son tour, « venir quelque chose de bien de Nazareth ». Mais dès qu’il comprenait que de Nazareth pouvait venir quelque bien, il était habile dans la loi et avait examiné attentivement les Prophètes, Je sais que l’on donne à ces paroles une autre accentuation, mais qui n’est pas adoptée par les plus habiles, et d’après laquelle il aurait répondu avec un certain désespoir : « De Nazareth peut-il venir quelque

  1. Mt. 6,1
  2. Id. 5,16
  3. Id. 6,1-2
  4. Ps. 65,2
  5. 1 Cor. 1,26-28
  6. Mt. 9,9
  7. Jn. 1,41-47