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DISCOURS SUR LE PSAUME 112

SERMON AU PEUPLE.

L’HUMILITÉ.

C’est l’enfance que le Prophète invite à louer le Seigneur, ou plutôt c’est nous qui sommes invités à redevenir enfants, alors que, notre âme étant sans orgueil, notre louange soit plus pure. Les enfants n’ont point cet orgueil qui cherche sa propre gloire et non celle de Dieu. Louons-le dès cette vie quand on nous le prêche, et toujours, parce qu’il est toujours et que son nom est grand partout. C’est lui qui domine les cieux, qui regarde ce qu’il y a d’humble dans le ciel, c’est-à-dire les âmes humbles qui lui forment un trône sublime, et qu’il a grandies, et les humbles de la terre ou ceux qui, vivant ici-bas, conversent dans le ciel. Ou bien encore les cieux seraient les saints qui siégeront sur des trônes pour juger avec le Christ, et la terre désignerait ces élus qui seront à droite ; car les uns et les autres ont compris qu’ils doivent tout à la grâce, et telle est l’humilité. Leur grandeur et leur justice leur viennent de ce qu’ils ont reconnu que Dieu les a tirés de la poussière et du fumier des convoitises charnelles. Mais ils sont nombreux aussi ces enfants de l’Épouse jadis stérile, et qui se sont fait des amis avec la monnaie de l’iniquité. Ainsi se réalise la promesse que les enfants d’Abraham seront nombreux comme les étoiles du ciel, dans ceux qui jugeront sur les trônes, et comme le sable de la mer, dans ceux qui seront à droite.


1. Vous savez, mes frères, et vous avez entendu souvent cette parole de Notre-Seigneur dans l’Évangile : « Laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent[1] » ; et encore : « Quiconque ne recevra point le royaume de Dieu comme un enfant, n’y entrera[2] ». Et dans plusieurs endroits, le Seigneur, pour nous rappeler à l’humilité d’une manière plus particulière, condamne l’orgueil du vieil homme et lui propose la vie de l’enfant comme un modèle d’humilité. Aussi, mes frères, quand vous entendez chanter dans les psaumes : « Enfants, louez le Seigneur », n’allez point croire que cette exhortation, n’est point pour vous, parce que vous avez dépassé l’âge de l’enfance, parce que vous avez la beauté d’une florissante jeunesse ou l’honorable blancheur du vieillard ; c’est à vous que l’Apôtre a dit : « Ne soyez point sans discernement comme les enfants, mais soyez comme eux, sans malice, à la condition d’avoir la prudence des hommes faits[3] ». Quelle est cette malice, sinon l’orgueil ? C’est lui qui s’élève dans une fausse grandeur, empêche l’homme de marcher dans la voie étroite, et d’entrer par la porte étroite. Pour l’enfant, il entre facilement par la porte étroite ; et c’est pourquoi nul ne peut entrer dans le royaume des cieux, s’il ne devient semblable à l’enfant. Quoi de pire que l’orgueil, qui ne veut personne pour supérieur, pas même Dieu ? Car il est écrit que « le commencement de l’orgueil, c’est de se séparer de Dieu[4] ». Loin de vous donc cet orgueil, qui ose bien lever la tête, se dresser à l’encontre des préceptes divins et secouer le joug si doux du Seigneur. Domptez-le, brisez-le, anéantissez-le ; puis : « Louez le Seigneur, ô enfants, louez le nom du Seigneur[5] ». Quand l’orgueil sera détruit, et complètement anéanti, alors Dieu tirera de la bouche des nouveau-nés et des enfants à la mamelle, une louange parfaite[6] ; quand il sera étouffé, détruit complètement, que nul ne se glorifiera, sinon dans le Seigneur[7]. Ils ne chantent point ainsi, ces hommes qui se croient de grands personnages ; ils ne chantent point de la sorte, ceux qui, ayant connu Dieu, ne l’ont point glorifié comme Dieu, ou ne lui ont point rendu grâces, qui se louent sans louer Dieu, parce qu’ils ne sont point enfants, qu’ils veulent toute la gloire pour leur nom, et non point pour le nom du Seigneur. Aussi se sont-ils évanouis dans leurs pensées, et leur cœur s’est-il obscurci dans sa folie ; et en se disant sages, ils sont devenus fous[8]. Ils ont voulu pour leur nom un retentissement vaste et durable, eux qui doivent être si vite mis à l’étroit, tandis que c’est Dieu seul, le Seigneur seul,

  1. Mt. 19,14
  2. Mc. 10,15
  3. 1 Cor. 14,20
  4. Sir. 20,1
  5. Ps. 112,1
  6. Id. 8,3
  7. 1 Cor. 1,31
  8. Rom. 1,21-22