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mort, il est ressuscité le troisième jour, il est monté aux cieux, quarante jours après, comme nous savons, et il est assis à la droite de son Père. Voilà ce qui est accompli, ce que nous n’avons pas vu, mais ce que nous croyons. Qu’est-ce qui s’accomplit aujourd’hui ? Il domine au milieu de ses ennemis, depuis que le sceptre de sa puissance est sorti de Sion : voilà pour le présent. Les serviteurs du Christ qui l’ont vu présent, ont vu la forme de l’esclave ; les serviteurs y croient aujourd’hui qu’elle nous est dérobée. Au sujet de cette forme de l’esclave, nous croyons ce que nous en pouvons comprendre, tant que nous sommes serviteurs nous-mêmes. C’est le lait des petits enfants, qu’il proportionne à notre faiblesse, nous faisant passer le pain solide au moyen de la chair, Car ce pain des anges était au commencement le Verbe[1] ; et pour que l’homme pût manger le pain des anges[2], le Créateur s’est fait homme. C’est ainsi que le Verbe incarné s’est proportionné à notre faiblesse ; car nous n’aurions pu le recevoir si le Fils égal à Dieu ne se fût humilié en prenant la forme de l’esclave, pour devenir semblable aux hommes, et être reconnu homme par tout ce qui paraissait de lui[3]. Afin donc que nous pussions comprendre en quelque manière Celui que des mortels ne pouvaient comprendre, l’immortel est devenu mortel ; afin que par sa mort il nous rendit immortels, et nous donnât ainsi quelque chose à considérer, quelque chose à croire, quelque chose à voir un jour. Il offre à nos regards la forme de l’esclave que nous pouvons non seulement voir des yeux, mais encore toucher de nos mains. Et quand cette forme s’éleva au ciel, il nous ordonna de croire ce qu’il avait fait voir aux disciples. Mais nous aussi nous avons de quoi voir. Pour eux ils ont vu le sceptre de la puissance qui sortait de Sion, et à nous il est accordé de le voir dominer au milieu de ses ennemis. Tout cela, mes frères, tient à l’économie de la forme d’esclave, que les esclaves tolèrent aujourd’hui, et qui aiguillonne l’amour de ceux qui seront un jour délivrés. Car c’est l’immuable vérité, qui est le Verbe de Dieu, Dieu en Dieu, par qui tout a été fait, qui renouvelle toutes choses en demeurant en elle-même[4]. Pour voir cette Vérité, il nous faut une grande, une parfaite pureté de cœur, qui nous vient parla foi. Après nous avoir montré la forme de l’esclave, le Christ a différé de nous montrer la forme divine. Car en disant, dans cette même forme d’esclave, à ses serviteurs : « Celui qui m’aime, garde mes commandements, et celui qui m’aime, sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai, et me montrerai à lui[5] », il leur promettait de se manifester à eux. Que voyaient-ils donc ? Et lui, que promettait-il ? Eux voyaient la forme de l’esclave, et lui, leur promettait de leur montrer la forme de Dieu. « Je me montrerai à lui », dit-il. Telle est la lumière à laquelle doit arriver ce royaume, qui se rassemble dans le cours des siècles il aboutit à cette ineffable vision que les impies ne mériteront point de partager. Du reste, quand la forme de l’esclave était ici-bas, elle fut vue des impies : les uns la virent pour croire au Christ, les autres la virent pour le mettre à mort. La voir n’était donc point un privilège, puisque ses amis et ses ennemis la voyaient également, quelques-uns qui la voyaient l’omit fait mourir, quelques autres qui ne la voyaient pas ont cru en lui. Cette forme donc de l’esclave qu’ont vue ici-bas dans son humilité les hommes pieux et les impies, les pieux et les impies la verront au jour du jugement. En effet, comme il montait au ciel en présence de ses disciples, la voix des anges se fit entendre, et leur dit : « Hommes de Galilée, pourquoi vous tenir là debout, en regardant le ciel ? Ce même Jésus viendra un jour de la même manière que vous l’avez vu montant au ciel[6] ». Il viendra donc, il viendra dans cette même forme, dont il est dit que les impies « verront Celui qu’ils auront percé[7] ». Ils verront comme juge Celui qu’ils insultèrent quand il fut jugé. Cette forme donc de l’esclave sera au jugement visible pour le juste et pour l’injuste, pour le bon et pour le méchant, pour les fidèles et pour les incrédules. Qu’est-ce donc que ne verront pas les impies ? Car ceux dont il est dit : « Ils verront Celui qu’ils ont percé », sont les mêmes dont il est dit aussi : « Qu’on bannisse l’impie, et qu’il ne voie point la clarté du Seigneur[8] ». Qu’est-ce que tout cela, mes frères ? Examinons, discutons. Voilà qu’on aiguillonne l’impie afin qu’il voie ; et qu’on bannit l’impie afin qu’il ne voie point. Ce qu’il doit voir, nous l’avons

  1. Jn. 1,1
  2. Ps. 77,25
  3. Phil. 3,6-7
  4. Sag. 7,27
  5. Jn. 14,21
  6. Act. 1,11
  7. Zach. 12,10
  8. Isa. 26,10