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d’être de bons serviteurs. Car, de gré ou de force, il nous faut servir : et si nous servons volontairement, nous servons par charité, non par nécessité. Car cet orgueil des serviteurs se soulevait en quelque sorte à cette parole du Seigneur : « Quiconque voudra être le plus grand parmi vous sera votre serviteur ». Déjà les fils de Zébédée lui avaient demandé les premières places : l’un voulait s’asseoir à sa droite et l’autre à sa gauche, et ils faisaient demander par leur mère ce qu’ils désiraient. Sans leur refuser ces places, le Seigneur leur montra cette vallée de larmes, comme pour leur dire : Voulez-vous venir où je suis moi-même ? venez par le même chemin. Qu’est-ce à dire, par le même chemin ? Par l’humilité. Je suis venu d’en haut, et c’est de si bas que je remonte : je vous ai trouvés sur la terre, et vous prétendez voler avant d’avoir pris des forces : nourrissez-vous d’abord, fortifiez-vous, et supportez votre nid. Que dit-il ? Comment rappeler à l’humilité ces disciples qui recherchent déjà la grandeur ? « Pouvez-vous boire le calice que je « boirai moi-même ? » Et eux, orgueilleux jusque dans la réponse : « Nous le pouvons », dirent-ils ; de même que Pierre dira plus tard : « Je vous suivrai jusqu’à la mort ». Il montre du courage, mais jusqu’à ce qu’une femme dise : « Celui-ci était aussi avec eux[1] ». « Nous le pouvons », disent les deux frères. « Pouvez-vous ? Nous pouvons ». Quant au Christ : « Vous boirez à la vérité mon calice », bien que vous ne le puissiez maintenant : « Vous le boirez » néanmoins : comme le Sauveur avait dit à Pierre : « Tu ne saurais me suivre » aujourd’hui ; tu me suivras plus tard[2]. Vous boirez à la vérité mon calice ; mais quant à vous asseoir à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous le donner[3] ». Qu’est-ce à dire : « Il ne m’apparut tient pas de vous le donner ? » Il ne m’appartient pas de le donner à des orgueilleux. Or, vous êtes orgueilleux, vous à qui je m’adresse ; et dès lors : « Il ne m’appartient pas de vous le donner ». Mais, diront-ils, nous deviendrons humbles. Vous ne serez donc plus ce que vous êtes, et c’est à vous tels que vous êtes que j’ai parlé. Je n’ai point dit que je ne le donnerai pas aux humbles, mais bien : Je ne le donnerai pas aux superbes. Or, que l’orgueilleux devienne humble, il n’est plus ce qu’il était,
10. Donc les prédicateurs du Verbe sont tout à la fois, selon les Écritures, bêtes de somme, et esclaves. Dès qu’elle est arrosée, que la terre produise, « du foin pour les bêtes de somme, et des plantes pour le service des hommes ». Car le fruit désiré, c’est que l’on, puisse faire ce qui est prescrit dans l’Évangile : « Afin qu’ils puissent vous recevoir dans les tabernacles éternels ». Vois ce que tu peux faire du foin, acheter à un prix aussi vil. « Afin qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels[4] ». Afin qu’ils vous reçoivent où ils seront eux-mêmes. Pourquoi ? « Parce que recevoir un juste, au nom du juste, c’est recevoir la récompense du juste ; et recevoir un Prophète, au nom du Prophète, c’est recevoir la récompense du Prophète ; et quiconque donnera un verre d’eau froide au nom d’un disciple et au moindre d’entre les miens, je vous le déclare, celui-là ne perdra point sa récompense[5] ». Quelle récompense ne perdra-t-il point ? Ils vous recevront dans les tabernacles éternels. Qui, dès lors, ne se hâterait point ? qui ne courrait avec ardeur à ces récompenses ? Si vous êtes une terre, soyez arrosés du fruit des œuvres de Dieu, et ne dites point : Il n’y a personne envers qui nous puissions agir en charité ; nos prédicateurs, ces bœufs mystérieux qui foulent le grain, ces hommes qui nous servent, n’ont aucun besoin de nous. Cherche néanmoins, de peur qu’un seul n’en ait besoin ; et qu’enfin ; celui qui n’a aucun besoin, trouve en toi de quoi refuser. Car il accueillera toujours ta bonne volonté quand tu recevras sa paix. Car s’il ne cherche point le don, il cherche néanmoins le fruit[6]. Cherche donc, de peur que quelqu’un ne se trouve dans le besoin ; et ne dis point : Je donnerai, s’il me demande. Tu attends qu’il te demande ? Peux-tu traiter le bœuf du Seigneur, comme le mendiant qui passe à ta porte ? Tu donnes à ce dernier quand il te demande, ainsi qu’il est écrit : « Donne à quiconque te demande[7] ». Mais qu’est-il écrit de tout autre ? « Bienheureux celui qui comprend le pauvre et l’indigent[8] ». Cherche à qui donner : « Bienheureux celui qui a l’intelligence du pauvre et de l’indigent », qui devance la prière du mendiant. Ainsi il est parmi vous des soldats du Christ, pressés par le besoin au

  1. Mt. 26,35-69
  2. Jn. 13,36
  3. Mt. 20,20-27
  4. Lc. 16,9
  5. Mt. 10,41-42
  6. Phil. 4,17
  7. Lc. 6,30
  8. Ps. 40,2