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figures mystérieuses qui composent le psaume tout entier, parce que le plaisir de trouver est proportionné a la peine de chercher. Dieu ne veut point nous les dérober par l’obscurité, mais les assaisonner par la difficulté ; afin, comme nous l’avons dit plusieurs fois, d’ouvrir à ceux qui demandent, de faire trouver à ceux qui cherchent, et entrer ceux qui frappent[1]. Mais nous avons besoin de votre part d’un silence plus profond, d’une plus grande patience, afin que le peu que nous avons à dire ne nous prenne plus de temps à cause du bruit. Notre temps est restreint, et nous devons nous borner, votre charité sait bien qu’il nous faut assister aux obsèques d’un fidèle. Ne nous forcez donc point de répéter ce qui est dit, d’expliquer de nouveau les premiers versets. Si quelques-uns y ont manqué, je n’y puis rien. Peut-être leur sera-t-il bon de ne pas bien comprendre ce que comprendront facilement ceux qui m’ont entendu, afin qu’ils apprennent à se trouver à nos assemblées. Parcourons donc le psaume.
2. « Bénis le Seigneur, ô mon âme[2] ». Que l’âme de chacun de nous, devenue une seule âme dans le Christ, répète aussi : « Seigneur, mon Dieu, vous avez été grandi à l’excès ». Comment grandi ? Parce que « vous vous êtes revêtu de confession et de beauté ». Offrez donc à Dieu cette confession, afin d’être embellie, afin qu’il vous revête « celui qui s’environne de lumière comme d’un vêtement[3] », qui s’est revêtu de son Église, et lui a donné La splendeur de la lumière, à elle qui par elle-même était ténèbres, selon cette parole de l’Apôtre : « Autrefois vous étiez ténèbres, aujourd’hui vous êtes lumière en Jésus-Christ[4]. C’est lui qui étend le ciel comme un pavillon ». C’est-à-dire, dans le sens littéral, aussi facilement que tu étends une peau ; ou bien par cette peau qui figure la mortalité, nous pouvons entendre l’autorité des Écritures qui couvre le monde entier ; et cette autorité des Écritures nous est venue par des hommes mortels dont la renommée s’étend après leur mort.
3. « Lui qui couvre d’eau ses hauteurs[5] ». Les hauteurs de quoi ? du ciel. Qu’est-ce que le ciel ? Nous avons dit qu’en figure c’est l’Écriture sainte. Quelle est la partie supérieure des saintes Écritures ? Le précepte de la charité qui domine tout. Pourquoi comparer la charité à des eaux ? « Parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[6] ». Comment le Saint-Esprit est-il désigné par l’eau ? Parce que « Jésus était là criant et disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi verra des fleuves d’eau vive sortir de ses entrailles ». Comment prouver que cela s’applique au Saint-Esprit ? Que l’Évangéliste nous le dise lui-même, lui qui ajoute : « Or, il parlait ainsi de l’Esprit-Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui[7] ». « Il marche sur les ailes des vents », c’est-à-dire sur les vertus des saintes âmes. Qu’est-ce que la vertu de l’âme ? La charité. Or, comment Dieu marche-t-il sur la charité ? Parce que la charité de Dieu pour nous, est bien supérieure à la nôtre pour lui.
4. « Il prend des esprits pour ses anges, et la flamme ardente pour ministre[8] » ; c’est-à-dire qu’il se fait des messagers, de ces hommes qui sont des esprits, qui sont spirituels et non plus charnels, en les envoyant prêcher son Évangile. « Et la flamme ardente est son ministre ». Car si le prédicateur ne brûle du feu sacré, il ne peut l’allumer chez les autres.
5. « Il a fondé la terre sur sa propre solidité[9] ». Il a affermi l’Église sur la solidité de l’Église. Qu’est-ce que la solidité de l’Église, sinon la base de l’Église ? Et quelle est la base de l’Église, sinon celle dont parle l’Apôtre : « Nul ne peut poser un fondement autre que celui qui a été posé, et qui est le Christ Jésus[10] ? » Dès lors, appuyée sur une semblable base, qu’a-t-elle mérité d’entendre ? « Elle ne sera point ébranlée dans la suite des siècles : il a fondé la terre sur sa propre solidité », c’est-à-dire affermi l’Église sur le Christ qui en est le fondement. L’Église sera ébranlée, si ce fondement est ébranlé : mais comment serait ébranlé ce Christ qui, avant de venir à nous et de prendre notre chair, « avait tout fait, et rien n’avait été fait sans lui[11] », qui embrasse tout dans sa majesté, et nous dans sa bonté ? Mais le Christ est immuable, et dès lors l’Église « ne sera point ébranlée de siècle en siècle ». Où sont-ils, ces hommes qui nous disent qu’elle a disparu du monde, cette Église qui ne peut même pas être ébranlée ?

  1. Mt. 7,7-8
  2. Ps. 103,1
  3. Id. 2
  4. Eph. 5,8
  5. Ps. 103,3
  6. Rom. 5,5
  7. Jn. 7,37-39
  8. Ps. 102,4
  9. Id. 5
  10. 1 Cor. 3,11
  11. Jn. 1,3