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Dieu, mais aussi dans votre haine pour le mal. Que nul ne vous effraie : celui qui vous a appelés est plus puissant encore, il est le tout-puissant. Il est plus fort que toute force, plus élevé que toute élévation. Le fils de Dieu est mort pour nous ; sois assuré de recevoir sa vie, toi qui as pour gage de cette vie sa mort même. Pour qui est-il mort ? Est-ce pour les justes ? écoute saint Paul : « Le Christ est mort pour les impies[1] ». Tu étais impie, et il est mort pour toi : et quand tu es justifié, il t’abandonnerait ? Lui qui a justifié l’impie, pourrait-il abandonner l’homme juste ? « Vous qui aimez le Seigneur, haïssez le mal », Que nul ne craigne, puisque « le Seigneur garde les âmes de ses serviteurs, et les tirera des mains du pécheur ».
18. Mais, diras-tu, je perds néanmoins cette lumière. « La lumière s’est levée pour le juste ». Quelle lumière crains-tu de perdre ? Crains-tu d’être dans les ténèbres ? Ne crains pas de perdre la lumière, ou plutôt prends garde qu’en craignant de perdre cette lumière tu ne perdes la vie éternelle. Mais voyons en effet à qui est donnée celle que tu crains de perdre, et avec qui elle vous est commune. N’y a-t-il que les bons pour voir le soleil, quand Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes[2] ? Cette lumière est commune avec les méchants, commune avec les voleurs, commune avec les impudiques, commune avec les bêtes, avec les mouches, avec les vermisseaux. Quelle lumière ne ménage-t-il point au juste, celui qui en donna une semblable à de pareils êtres ? C’est la lumière que les martyrs ont vue avec justice dans la vivacité de leur foi ; eux qui méprisaient cette lumière terrestre, en voyaient une autre après laquelle ils soupiraient, en dédaignant celle-ci. « La lumière s’est levée pour le juste, et la joie tour les cœurs droits[3] ». N’allez pas croire qu’ils étaient véritablement à plaindre, quand ils étaient chargés de chaînes. La prison était large pour les fidèles, et les chaînes légères pour les confesseurs. Ils paraissaient avec joie devant les tribunaux, eux qui prêchaient le Christ dans les tourments. « La lumière s’est levée pour le juste ». Quelle lumière s’est levée ? Celle qui ne se lève point pour l’injuste ; non point, cette lumière que Dieu fait lever sur les bons comme sur les méchants, Il est une autre lumière qui se lève pour le juste, lumière qui ne se lève point pour les hommes d’iniquité, et qui leur fera dire au dernier jour : « Nous avons erré loin du sentier de la vérité : la lumière de la justice ne s’est point levée pour nous, son soleil n’a point paru à nos yeux[4] ». Ils ont aimé ce soleil terrestre et sont tombés dans les ténèbres du cœur. Que leur sert d’avoir vu l’un des yeux du corps, quand ils ne verront point l’autre des yeux de l’esprit ? Tobie était aveugle et il enseignait à son fils la voie de Dieu. Vous savez qu’il lui donnait des conseils et lui disait : « Mon fils, fais l’aumône, parce que l’aumône ne te laissera point aller dans les ténèbres[5] ». Il était plongé lui-même dans les ténèbres en parlant de la sorte. Voyez-vous dès lors qu’il y a une autre lumière qui s’élève pour le juste, une autre joie pour ceux qui ont le cœur droit ? Il était aveugle, et disait néanmoins à son fils : « Fais l’aumône, parce que l’aumône ne te laissera point aller dans les ténèbres ». Il ne craignit point que son fils lui dît en son cœur : Vous donc, n’avez-vous pas fait l’aumône ? Pourquoi parler ainsi quand on est aveugle ? Voilà que vos aumônes vous ont fait devenir aveugle, et comment me dites-vous que « les aumônes m’empêcheront de tomber dans l’aveuglement ? » Pourquoi ce père parlait-il avec confiance, sinon parce qu’il voyait une autre lumière ? Le fils tendait la main au père pour diriger sa marche ; mais le père montrait au fils le chemin de la vie. Il est donc une autre lumière qui se lève pour le juste. « La lumière se lève pour le juste, et la joie pour ceux qui ont le cœur droit ». Veux-tu la connaître ? Aie le cœur droit. Qu’est-ce à dire : Aie le cœur droit ? Prends garde d’aller à Dieu avec un cœur replié, en résistant â sa volonté et en cherchant à la courber vers toi au lieu de te redresser sur elle, et tu ressentiras la joie, la joie que goûtent tous ceux qui ont le cœur droit. « La lumière s’est levée pour le juste, et la joie pour ceux qui ont le cœur droit. »
19. « Tressaillez, vous qui êtes justes ». Peut-être que des fidèles qui entendent cette parole : « Tressaillez », rêvent des festins, préparent des coupes, attendent la saison des roses, parce que l’on dit ; « Tressaillez, ô justes ». Écoutez le mot suivant : « Dans le Seigneur. « Vous qui êtes justes, tressaillez dans le Seigneur ».

  1. Rom. 5,6
  2. Mt. 5,45
  3. Ps. 96,11
  4. Sag. 5,6
  5. Tob. 4,7-11