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une seconde fois pour juger les vivants et les morts. Il est donc venu une première fois sur les nuées. C’est de ce premier avènement que Jésus a dit dans l’Évangile : « Désormais vous verrez le Fils de l’homme venant sur les nuées[1] ». Qu’est-ce à dire « désormais ? » Le Seigneur ne viendra-t-il point lorsque toutes les tribus de la terre seront dans les pleurs ? Il est venu dans ceux qui le prêchent, et il a rempli toute la terre. Ne résistons pas au premier avènement, afin de ne point redouter le second. Vous avez encore entendu dans l’Évangile : « Malheur aux femmes enceintes ou nourrices ; soyez sur vos gardes, parce que vous ne savez quand viendra cette heure[2] ». Tout cela est dit en figures. Quelles sont les femmes enceintes et les nourrices ? Les femmes enceintes sont les âmes qui ont mis leur espérance dans cette vie ; et celles qui ont déjà ce qu’elles espéraient, sont désignées par les nourrices. Ainsi, tel homme veut acheter une maison de campagne ; il ressemble à une femme enceinte ; rien n’est fait encore, mais l’espérance est dans son sein ; il l’achète, et le voilà qui a enfanté, qui allaite ce qu’il a acheté. « Malheur aux femmes enceintes ou qui allaitent » : malheur à ceux qui mettent leur espérance dans cette vie, malheur à ceux qui s’attachent aux biens qu’ils ont acquis par leur espérance mondaine ! Que doit donc faire un chrétien ? User du monde, mais non servir le monde. Qu’est-ce à dire ? C’est avoir comme s’il n’avait pas. Voici ce que dit saint Paul, ses exhortations à celui qu’il ne veut point laisser surprendre, comme les femmes enceintes ou nourrices, pour ce jour redoutable : « Du reste, mes frères, le temps est court, aussi faut-il que ceux qui ont des femmes soient comme s’ils n’en avaient point ; ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient point ; ceux qui se réjouissent, comme s’ils ne se réjouissaient pas ; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas ; ceux qui usent des choses de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas. Car la figure du monde passe ; et je veux que vous soyez sans inquiétude[3] ». L’homme sans inquiétude attend avec calme l’avènement de son Seigneur. Car, est-ce bien aimer Dieu, que craindre qu’il vienne ? N’est-ce point une honte pour nous, mes frères ? Nous l’aimons et nous craignons qu’il ne vienne ? En vérité, l’aimons-nous ? Ne lui préférons-nous pas nos péchés ? Haïssons donc le péché, aimons Celui qui viendra les punir. Il viendra, bon gré, mal gré. Qu’il ne soit point venu encore, ce n’est pas une raison pour qu’il ne vienne point. Il viendra, et à l’heure que tu ignores ; et s’il te trouve prêt, cette ignorance ne te nuira point. « Alors tressailliront tous les arbres des forêts devant la face du Seigneur, parce qu’il est déjà venu ». Et ensuite ? « Parce qu’il vient pour juger la terre ; tous les arbres des forêts seront dans l’allégresse ». Il est venu une fois, il viendra une seconde fois juger la terre, et il trouvera dans la joie ceux qui auront cru à soin premier avènement, « parce qu’il est venu ».

15. « Car il viendra juger dans l’équité l’univers entier » : non une partie, car il n’a pas racheté une partie. Il jugera le monde entier, parce qu’il a payé la rançon de tout le monde. Vous avez entendu l’Évangile dit qu’à son avènement, il rassemblera les élus « des quatre vents du monde[4] ». Or, rassembler ses élus des quatre vents, c’est bien les rassembler du monde entier. Et en effet, Adam, je l’ai dit déjà, signifie en grec tout l’univers. Il est composé de quatre lettres, A, D, A, et M. Or, dans le langage des Grecs, ces quatre lettres sont les initiales des quatre parties du monde. Ils nomment l’Orient Ανατολὴν, l’Occident Δὑσιν, le Nord Αρκτον, le Midi Μεσημβρἰαν. Dans ces initiales nous trouvons Adam, qui est ainsi répandu dans le monde entier[5]. Il n’était jadis qu’en un lieu, d’où il est tombé, et il a été réduit en poudre pour être jeté dans tout l’univers : mais la divine miséricorde a rassemblé de toutes parts ces débris, les a fondus au feu de la charité, et a réuni ce qui était brisé. Ce grand artiste a su réparer son ouvrage ; ne désespérons point. La tâche est difficile, mais pensez quel est l’architecte. Celui-là nous a rétablis, qui nous avait déjà faits ; celui qui nous a formés, nous reformera. « Il jugera l’univers entier dans l’équité, et les peuples dans la vérité ». Quelle équité, quelle vérité ? Il rassemblera ses élus pour juger avec lui, et séparera les autres. Il placera les uns à droite, les autres à gauche. Quoi de plus conforme à ta vérité, à la justice, que de réduire à n’attendre du souverain aucune miséricorde, ceux qui n’ont voulu

  1. Mrc. 13,26
  2. Id. 17,33
  3. 1Co. 7,29-32
  4. Mrc. 13,27
  5. Gen. 3,6