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s’il ne te flagellait ici-bas que pour t’épargner les flammes éternelles ? s’il n’épargnait cet autre ici-bas, qu’afin de lui dire : « Va au feu éternel ? » Mais quand, me diras-tu ? Quand tu seras placé à la droite, et que l’on dira à ceux de gauche : « Allez au feu éternel, préparé au diable et à ses anges ». Sois donc sans trouble dans tout cela, sois calme, garde le repos, et prêche « que le Seigneur est droit, qu’il n’y a en lui aucune injustice ».


DISCOURS SUR LE PSAUME 92

SERMON AU PEUPLE

LE SIXIÈME ÂGE DU MONDE.

Le titre porte le sixième jour avant le sabbat, ou le jour de la création de l’homme, que Jésus-Christ est venu reformer au sixième âge du monde, de manière à nous conduire au véritable sabbat qui est le ciel. Il a consolidé la terre, ou les hommes dans la foi, et pour la consolider il s’est revêtu de beauté pour ses admirateurs, de force pour ses contradicteurs, de manière à prémunir les fidèles Contre les contradictions des hommes. Il s’est ceint par-devant, c’est-à-dire qu’il a été humble, comme hie fit en se ceignant d’un linge pour laver les pieds à ses Apôtres. L’humilité est la pierre, d’autant plus solide qu’elle est plus abaissée. Mettre une ceinture devant nous, c’est résister à ceux qui nous insultent face à face, comme on disait à Jésus : Descends de la croix ; car le courage est plus nécessaire. L’univers qui ne sera point ébranlé, c’est le froment que le van me chasse point de l’aire ; l’autre, c’est la paille qui s’envole. Si donc nous ne pouvons nous séparer des injustes, séparons-nous de leurs injustices. C’est là préparer un trône à Dieu, qui s’assied dans les saints ou les humbles, bien qu’il ait un trône éternel. Les fleuves ou les Apôtres ont élevé la voix quand l’Esprit-Saint a soufflé sur eux ; la mer s’est soulevée contre eux, mais le Christ l’a calmée par sa victoire sur le monde : qu’il en soit béni à jamais.


1. À la lecture du psaume, nous en avons entendu le titre ; et d’après les saintes Écritures, c’est-à-dire le livre de la Genèse, il n’est pas difficile d’en connaître la signification. Un titre est en effet comme l’inscription placée sur le seuil d’une maison : il nous indique ce qui est â l’intérieur. Voici donc cette inscription : « Louange du cantique à David, pour le jour qui précéda le sabbat, quand la terre fut fondée ». Or, en considérant ce que Dieu fit chaque jour, quand il créa et disposa toutes choses, du premier au sixième jour (car il sanctifia le septième jour et le consacra par le repos, après toutes ses œuvres, qui étaient excellentes), nous voyons qu’au sixième jour (et c’est bien celui de notre psaume, puisqu’il est marqué, la veille du sabbat), Dieu créa tous les animaux sur la terre. Puis le même jour, il créa l’homme à son image et à sa ressemblance. Or, cette disposition des six jours n’est pas sans raison, puisqu’elle annonce que les siècles doivent s’écouler, avant que nous nous reposions en Dieu. Et c’est nous reposer que faire des bonnes œuvres. C’est pour cela qu’il est écrit que Dieu se reposa le septième jour, après avoir tait des œuvres excellentes[1]. Car la fatigue ne lui faisait point prendre son repos, et maintenant il n’est pas inactif, puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit « Mon Père agit sans cesse[2] ». Ainsi parlait-il aux Juifs, qui avaient au sujet de Dieu des pensées charnelles, qui ne comprenaient point que Dieu agit, bien qu’il se repose, qu’il agit toujours, bien qu’il se repose toujours. Donc nous aussi, que le Seigneur a voulu personnifier en lui-même, nous aurons le repos après les bonnes œuvres. Il est vrai, mes frères, que les œuvres que nous faisons ici-bas avant le repos, sont des œuvres laborieuses en quelque sorte, et que Le repos dont il s’agit n’est qu’en espérance, et pas encore en réalité ; et sans cette espérance nous succomberions au travail. Mais toutes ces bonnes œuvres laborieuses passeront un jour. Quoi de meilleur que donner du pain à celui qui a faim ? Et, comme nous l’entendions tout à l’heure à la lecture de l’Évangile, quoi de plus saint que ce conseil général : « Que tout homme qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a point, et que celui qui a de quoi manger en donne à celui qui a faim[3] ? » Vêtir

  1. Gen. 1,1-3
  2. Jn. 5,17
  3. Lc. 3,11