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Comment Babylone pourrait-elle aspirer à Jérusalem ? Comment Rahab arriverait-elle à ces fondements ? Comment pourraient y venir les étrangers ? Comment Tyr ? Comment les peuples de l’Ethiopie Écoute bien : « Un homme dira : Sion est ma mère[1] ». Donc, il est un homme qui dit : « Sion est ma mère », et c’est par lui que ceux-ci viennent en Sion. Mais quel est cet homme ? Le Prophète nous l’indique, si nous savons l’entendre et le comprendre : « Un homme dira : Sion est ma mère ». Comme si l’on demandait au Prophète quel est cet homme par qui Rahab et Babylone, et les étrangers, et Tyr, et les Éthiopiens viendront à Jérusalem. Voici, répond-il : « Un homme dira : Sion est ma mère ; un homme a été fait en elle, et cet homme est le Très-Haut qui l’a fondée ». Quoi de plus clair, mes frères ? Oui, assurément, « ô cité sainte, on a dit de toi les plus surprenantes merveilles ». Voici qu’un homme dira : « Sion est ma mère ». Quel est cet homme ? « Celui qui a été fait homme en elle ». Un homme donc a été fait en elle, et cet homme l’a fondée. Comment a été fait en elle celui-là même qui l’a fondée ? Pour qu’un homme fût fait en elle, déjà elle était fondée. Comprends, si tu le peux. Car il dira : « Sion est ma mère » ; mais celui qui dira : « Sion est ma mère, est homme » : or, « un homme a été fait en elle » ; mais « celui qui l’a fondée » n’est point homme, il est le « Très-Haut ». Il a donc fondé la ville où il devait naître, quand il a créé celle qui devait être sa mère. Quelle merveille, mes frères ! quelles promesses ! quelles espérances ! C’est pour vous que le Très-Haut a fondé une cité : il appelle cette cité sa mère, c’est en elle qu’« il a été fait homme, et le Très-Haut l’a fondée ».
8. Mais comme si l’on demandait : D’où savez-vous ces choses ? Nous venons de chanter ces paroles, et le Christ en son humanité les chante pour nous tous, lui homme pour nous et Dieu avant nous. Mais quelle grandeur d’avoir été avant nous ? Avant la terre et le ciel, avant les siècles. C’est donc ce Dieu fait homme pour nous, dans cette cité, c’est le Très-Haut qui l’a fondée. D’où le savons-nous ? « Le Seigneur le racontera dans les annales des peuples ». Car voilà ce que dit ensuite le psaume : « Un homme dira : Sion est ma mère, et cet homme a été fait en elle, c’est lui, le Très-Haut, qui l’a fondée. Le Seigneur le racontera dans les annales des peuples et des princes[2] ». De quels princes ? De ceux qui ont été faits en elle. Les princes qui ont été faits en elle, sont devenus ses princes. Car avant qu’ils fussent princes dans cette cité, Dieu avait choisi ce qu’il y a de méprisable dans le monde pour confondre les forts[3]. Le pêcheur était-il un prince ? Est-ce un prince qu’un publicain ? Oui, ils sont des princes ; car ils ont été faits princes dans cette ville. Quels sont ces princes ? Des princes qui sont venus de Babylone, des princes selon le monde ont embrassé la foi et sont venus à Rome, dans cette capitale de Babylone ; et sans aller au palais des Empereurs, ils sont allés au tombeau d’un pêcheur. Pourquoi sont-ils devenus des princes ? Parce que Dieu a choisi ce qu’il y a de faible pour confondre les forts, ce qu’il y a de méprisable, ce qui n’est rien pour détruire ce qui est[4]. Telle est l’œuvre de celui qui relève le pauvre de la poussière, et l’indigent de son fumier. Pourquoi le relever ? Pour le faire asseoir entre les princes, entre les princes de son peuple[5]. Quelle merveille ! mes frères, quelle joie ! quelle allégresse ! Des orateurs sont venus ensuite dans cette cité, mais ils n’y seraient point venus, si les pêcheurs ne les y avaient précédés. Grandes merveilles que tout cela ; mais où s’accomplissent de telles merveilles, sinon dans cette cité de Dieu, dont on a dit tant de miracles ?
9. Aussi réunissant tant de sujets de joie, que dira le Prophète pour conclure ? « Tu es le séjour de tous ceux qui tressaillent d’allégresse[6] ». Elle est donc la cité de la joie, la cité de tous ceux qui s’abreuvent de délices. Ici-bas nous sommes dans la tristesse, là nous aurons une joie sans mélange et sans fin. Il n’y aura ni labeur, ni gémissement ; aux supplications succédera la louange. Nul donc ne sera sans délices : nul gémissement, nul soupir, mais la jouissance dans la joie. Nous serons en présence de celui qu’appellent nos soupirs, et semblables à lui, puisque nous le verrons tel qu’il est[7]. Là toute notre tâche sera de louer Dieu, de jouir de Dieu. Que pourrions-nous chercher, quand celui qui a tout fait, nous suffit ?

  1. Cette variante vient des Septante. Ps. 86,5
  2. Ps. 86,6
  3. 1 Cor. 1,27
  4. Id. 28
  5. Ps. 112,7-8
  6. Id. 86,7
  7. Jn. 3,2