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DISCOURS SUR LE PSAUME 82

CHANT DE L’ ÉGLISE POUR LE JUGEMENT.

Asaph signifie synagogue : alors le peuple de Dieu qui chante sa victoire sur ses ennemis, serait l’allégorie du peuple chrétien qui triomphera au dernier jugement, et qui dit au Christ Qui sera semblable à vous, vous que les hommes ont méconnu au point de vous juger, lorsque vous viendrez les juger dans votre gloire ? Les ennemis de Dieu seront tumultueux et auront pour chef le démon, que le Christ tuera du souffle de sa bouche ; ainsi s’évanouiront leurs complots, leur désir de détruire le peuple de Dieu. En vain sera-t-il leur chef, ils périront comme les princes de Chanaan. Loin d’assujettir le peuple du Seigneur, il leur faudra se soumettre à la vérité, et devenir comme la paille que le vent emporte, comme une forêt incendiée, use montagne embrasée. Et toutefois leur confusion deviendra salutaire, car plusieurs se convertiront.


1. Voici le titre du psaume : « Chant du psaume pour Asaph[1] ». Or, nous l’avons dit souvent, Asaph signifie assemblée. Donc cet homme qui portait le nom d’Asaph était dans le titre de plusieurs psaumes la figure du peuple de Dieu. Mais en grec, une assemblée s’appelle synagogue, nom qu’a retenu d’une manière particulière le peuple juif, au point de s’appeler la synagogue, comme le peuple chrétien s’appelle plus communément l’Église, qui est aussi une assemblée.
2.. C’est donc le peuple de Dieu, qui s’écrie dans ce psaume : « O Dieu, qui sera semblable à vous[2] ? » Parole que l’on ne peut mieux entendre selon moi que du Christ, car s’étant rendu semblable aux autres hommes, il a été regardé comme nu homme ordinaire par ceux qui l’ont méprisé[3]. Mais alors il venait pour être mis en jugement ; au contraire, quand il viendra pour juger, alors s’accomplira cette parole : « O Dieu, qui est semblable à vous ? » Si le langage des psaumes ne s’adressait pas souvent au Christ Notre-Seigneur, nous n’y trouverions pas cette parole, que nul fidèle n’a hésite à lui appliquer : « Votre trône, ô Dieu, est dans les siècles des siècles, le sceptre de l’équité est le sceptre de votre empire : vous avez aimé la justice et haï l’iniquité ; aussi votre Dieu vous a-t-il oint, ô Dieu, d’une huile de joie, plus que tous ceux qui doivent la partager[4] ». C’est à ce même Christ qu’il est dit maintenant : « O Dieu, qui sera semblable à vous ? » Vous avez voulu, dans votre humilité, devenir semblable à beaucoup d’autres, et même aux voleurs crucifiés avec vous[5] ; mais quand vous viendrez dans votre splendeur, « qui sera semblable à vous ? » Qu’y aurait-il d’extraordinaire à dire à Dieu : « Qui sera semblable à vous ? » si cette parole ne s’adressait à ce Dieu qui a voulu devenir semblable aux hommes, qui a pris la forme de l’esclave, s’est rendu semblable aux autres hommes, et a été reconnu pour un homme dans ce qui a paru de lui[6]. Aussi le Prophète ne dit-il point : Qui est semblable à vous ? comme il devrait le dire si son langage s’adressait à la divinité. Mais comme ce langage s’adresse à la forme de l’esclave, ce Christ n’apparaîtra différent des autres hommes que quand il viendra dans sa gloire. C’est pourquoi le Prophète ajoute : « Ne vous taisez point, ne demeurez point dans l’inaction ». D’abord il s’est tu quand il a été jugé ; quand, semblable à l’agneau devant celui qui le tond, il a été sans voix, il n’a pas ouvert la bouche[7], et a fait taire sa puissance. Et pour montrer qu’il faisait taire cette puissance, avec ce seul mot : « C’est moi[8] », il fit reculer et tomber à terre ceux qui le cherchaient pour le saisir. Comment donc pourrait-on le saisir et le mettre à mort, s’il ne se comprimait, et pour ainsi dire, ne s’adoucissait lui-même ? Quelques-uns, en effet, ont traduit cette parole : « Ne restez point dans l’inaction », comme s’il y avait : « Ne vous adoucissez point, ô Dieu ! » Lui-même dit ailleurs : « Je me suis tu, me tairai-je toujours ?[9] » Et le Prophète qui lui dit : « Ne

  1. Ps. 82,1
  2. Id. 2
  3. Isa. 53,12
  4. Ps. 44,7-8
  5. Lc. 23,33
  6. Phil. 2,7
  7. Isa. 52,7
  8. Jn. 18,5-6
  9. Isa. 42,14