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« La nuit ». Où l’as-tu cherché ? « En sa présence ». Quel est le fruit de tes recherches ? « Je n’ai pas été déçu ». Autant de particularités, mes frères, qu’il faut voir, qu’il faut sonder, qu’il faut examiner avec soin ; et quelle est cette affliction qui lui a fait rechercher Dieu ; et qu’est-ce que rechercher Dieu des mains, et pendant la nuit, et en sa présence : car tout le monde comprend ce qui suit : « Et je n’ai pas été déçu ». Que veut dire en effet : « Je n’ai pas été déçu ? » j’ai trouvé ce que je cherchais.
4. Cette affliction n’est pas une peine telle quelle. Quiconque ne devance pas encore, ne connaît d’autre affliction que celle qui nous survient en des temps fâcheux ; mais celui qui s’avance ici regarde toute sa vie comme une peine. Telle est son ardeur pour la céleste patrie, que son pèlerinage sur la terre est sa plus grande tribulation. Comment, je vous le demande, cette vie-ci ne serait-elle pas une calamité ? Comment ne serait-elle point une tribulation, quand elle est appelée une tentation continuelle ? On lit en effet dans le livre de Job : « La vie de l’homme sur la terre n’est-elle pas une épreuve[1] ? » Nous dit-il que la vie de l’homme est éprouvée sur la terre ? Du tout. « Elle est elle-même l’épreuve » ; si elle est épreuve, elle est aussi tribulation. Ainsi donc, dans cette tribulation, c’est-à-dire dans cette vie, l’homme qui devance a cherché Dieu. Comment ? « De mes mains », répond-il. Qu’est-ce à dire, « de mes mains ? » Par mes œuvres. Car il ne cherchait rien de corporel qu’il pût toucher, comme on cherche une monnaie d’or ou d’argent qu’on a perdue, ou toute autre chose que la main peut toucher. Il est vrai que Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même voulut qu’on le touchât des mains, quand il montra ses plaies au disciple qui doutait. Mais quand après avoir touché les cicatrices des plaies, il se fut écrié : « Mon Seigneur et mon Dieu » ; n’entendit-il pas : « Tu as cru, parce que tu as vu : bienheureux ceux qui ont cru sans voir[2] ? » S’il mérita ce reproche pour avoir cherché Jésus-Christ de ses mains, en sorte qu’il soit ignominieux d’avoir cherché Dieu de la sorte ; nous qui sommes appelés bienheureux parce que nous avons cru sans voir, pourquoi chercherions-nous le Seigneur, de la main ? Nous le chercherons, disons-nous, par nos œuvres. Quand le chercherons-nous ? « La nuit ». Qu’est-ce à dire, « la nuit ? » En cette vie. Car la nuit règne tant que ne paraît point le jour où Jésus-Christ Notre-Seigneur doit paraître dans sa gloire. Voulez-vous comprendre que nous sommes dans la nuit ? C’est que si nous n’avions un flambeau nous serions continuellement dans les ténèbres. Saint Pierre dit en effet : « Nous avons une preuve plus frappante dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous avez raison d’arrêter les yeux, comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que vienne à poindre le jour, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs[3] ». Il viendra donc après cette nuit, mais pendant cette nuit servons-nous d’un flambeau. C’est là sans doute ce que nous faisons actuellement : vous exposer les saintes Écritures, c’est vous donner comme consolation dans nos ténèbres, un flambeau qui doit toujours être allumé dans vos demeures ; car c’est à ce sujet qu’il est dit : « N’éteignez point l’esprit[4] ». Et comme pour expliquer cette parole, saint Paul ajoute : « Ne méprisez pas la prophétie ». C’est-à-dire, que votre lampe soit allumée. Or, cette lumière est appelée nuit lorsqu’on la compare avec le jour ineffable ; mais en face de la vie des infidèles, la vie des fidèles est bien une lumière. Nous avons déjà dit comment elle est nuit, et nous l’avons prouvé par le témoignage de saint Pierre, qui nous parte de flambeau et nous avertit d’être attentifs a ce flambeau, c’est-à-dire aux discours des Prophètes, « jusqu’à ce que le jour vienne, et que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs ». Saint Paul nous montre aussi que la vie des fidèles est un véritable jour, si nous la comparons à la vie des impies : « Loin de nous », dit-il, « ces œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière ; marchons dans la décence comme dans le jour[5] ». Une vie honnête est donc le jour en comparaison de la vie des impies. Mais ce jour d’une vie fidèle ne suffit point à notre Iditum. Il veut s’élever au-delà de cette lumière, jusqu’à ce qu’il arrive à ce jour où il ne craindra plus les tentations de la nuit. Ici-bas, en effet, bien que la vie des fidèles soit une lumière, « la vie de l’homme sur la terre est une épreuve[6] ». Elle est lumière et ténèbres ; lumière, si nous

  1. Job. 7,1
  2. Jn. 20,27-29
  3. 2 Pi. 1,19
  4. Id. 5,19
  5. Rom. 13,12
  6. Job. 7,1