Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

la terre : « Je combats, non comme frappant les airs ; mais je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même[1] ». Soyez donc, mes frères, soyez autour de Dieu, afin de ne pas attribuer le mérite de la vérité à celui qui vous l’annonce, quel qu’il soit : que cette vérité soit au milieu de vous comme le bien de tous. Soyez humbles, et si vous comprenez quelque peu ce bien inappréciable, ne vous en attribuez pas le mérite. Ce que nous pourrions comprendre mieux que vous, est à vous ; et ce que vous pourriez mieux comprendre, est à nous également ; demeurons tous autour de Dieu et dans l’humilité. Et de la sorte en faisant abnégation de notre esprit, nous offrirons des présents à Celui qui est redoutable aux rois de la terre, c’est-à-dire à ceux qui gouvernent leur chair, dans la soumission au Créateur.


DISCOURS SUR LE PSAUME 76

SERMON AU PEUPLE

L’INTÉRIEUR DU CHRÉTIEN.

Idithun, ou celui qui devance, bondit jusqu’à ce qu’il arrive à la fin de la loi qui est le Christ, et en dehors de qui tout est affliction. Il demande à Dieu, non les biens de cette vie, ce serait reculer, mais Dieu lui-même, qu’il appelle en lui au jour de la tribulation. Cette tribulation, c’est la vie qui est une épreuve. L’homme qui devance cherche Dieu par de bonnes œuvres, il le cherche la nuit ou dans cette vie, qui est ténèbres, puisque nous avons besoin de la lumière des Écritures, mais qui est lumière en comparaison de la vie des infidèles. C’est en cette vie qu’il faut chercher Dieu par des œuvres incessantes, et le chercher en sa présence pour éviter la déception. Le Prophète est dans la tristesse, à la vue des pécheurs qui abandonnent la loi de Dieu ; pour se consoler des scandales, il se souvient de Dieu et cherche en lui le repos. Partout il rencontre des pièges, et il s’abrite dans le silence pour méditer les années éternelles, non point ces années dans lesquelles nous n’avons que le moment où, nous parlons, encore nous échappe-t-il avec chaque syllabe. Dans le silence de son âme il comprend que Dieu ne nous repoussera point éternellement, car s’il y a en nous quelque pitié, elle vient de lui. En s’élevant au-dessus de lui-même, il arrive aux délices pures, et se complaît dans les œuvres de Dieu, dans Dieu lui-même, qui est la sainteté, la grandeur, qui opère seul des merveilles, et fait connaître son Christ aux Juifs et aux Gentils. Alors les peuples ont confessé le Seigneur, à ta voix des nuées ou des Apôtres, dont la prédication a transpercé les cœurs, et qui ont converti le monde entier à cette lumière du Christ, dont les Juifs ont méconnu les traces.


1. Voici l’inscription qui ouvre le psaume : « Pour la fin, psaume à Asaph pour Idithun[2] ». Vous savez ce que signifie u pour la fin n. « Car le Christ est la fin de la loi pour ceux qui croiront[3] ». Idithun signifie celui qui devance les autres, et Asaph l’assemblée. Celle qui parle ici, est donc une assemblée qui s’avance pour arriver à la fin, qui est le Christ Jésus : et le psaume nous apprend ce qu’il nous faut devancer pour arriver à cette fin, où nous n’aurons plus rien à devancer. Car il nous faut incessamment dépasser tout ce qui nous est obstacle, tout ce qui nous embarrasse, tout ce qui nous retient comme une glu, tout fardeau qui appesantit notre vol, jusqu’à ce que nous arrivions à ce qui doit nous suffire, au-delà de quoi il n’y a plus rien, qui domine tout, et par qui tout existe. Un jour Philippe voulait voir le Père, et disait à Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Montrez-nous le Père, et cela nous suffit[4] », comme s’il avait encore quelques obstacles à franchir pour arriver au Père, s’y reposer en toute sécurité, et n’avoir plus rien à dépasser. Tel est le sens de cette parole : « Cela nous suffit ». Or, Jésus-Christ, qui avait dit, dans toute la force de la vérité : « Mon Père et moi nous sommes un », avertit Philippe et lui enseigna que

  1. 1 Cor. 9,26-27
  2. Ps. 76,1
  3. Rom. 10,4
  4. Jn. 10,30