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DISCOURS SUR LE PSAUME 71[1]

LE VRAI SALOMON OU LE CHRIST.

C’est le Christ qui nous donne la véritable paix avec Dieu. Il a reçu le pouvoir de juger et de sauver ceux qui sont humbles, pauvres selon l’esprit divin, qui ne prétendent point tenir la justice d’eux-mêmes. C’est de Dieu que vient le jugement ou la droiture, la justice. C’est aux montagnes ou aux hommes de recevoir et de maintenir la paix, aux collines d’obéir aux montagnes, mais sans les préférer alu Christ, comme font les schismatiques. Les premières nous réconcilient avec Dieu, l’obéissance des collines arrive au perfectionnement. Le démon ou calomniateur sera humilié quand Jésus nous donnera la grâce, mourra et ressuscitera, régnera avec le soleil ou s’assiéra à la droite de Dieu, tandis que la lune ou l’Église qu’il a devancée dans le ciel, réparera par les générations successives les pertes de la mort. Il descend par la grâce comme la pluie sur la toison. La lune ou l’Église sera élevée. Conversion des Éthiopiens ou Gentils, schismes. Le Christ nous arrache au puissant ou au démon, nous pardonne, nous rachète de l’usure ou du châtiment, nous fait grandir à ses yeux, vit éternellement, recueille l’or de l’Arabie ou la sagesse des convertis, affermit les montagnes ou accomplit les promesses des saintes Écritures, s’élève au-dessus du monde par le fruit de la charité, qui est le froment et qui domine le monde. Que son nom soit béni, puisque de lui nous vient la bénédiction.


1. « Pour Salomon », tel est le titre du psaume : et toutefois ce qu’il contient ne peut s’accorder avec le récit de l’Écriture au sujet de Salomon, roi charnel d’Israël, mais convient très bien à Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est pourquoi ce nom de Salomon ne nous paraît ici qu’une figure de l’avenir qui nous annonce le Christ. Car Salomon signifie pacifique, et dès lors s’applique d’une manière bien vraie et bien convenable à celui qui nous sert de médiateur, afin que d’ennemis que nous étions, nous soyons réconciliés à Dieu, par la rémission de nos péchés. « Car lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés à Dieu par la mort de son Fils[2] ». Ce même Fils est le véritable pacifique, « puisque des deux peuples, il n’en a fait qu’un seul, en détruisant dans sa propre chair le mur de séparation, ou leurs inimitiés ; abolissant par ses décrets la loi chargée de préceptes, pour former en lui seul un homme nouveau de ces deux peuples, mettant la paix entre eux ; il est donc venu prêcher la paix à ceux qui étaient éloignés et la paix encore à ceux qui étaient proches[3] ». Lui-même nous dit dans l’Évangile : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix[4] ». Et dans une foule d’autres témoignages le Christ notre Seigneur se montre pacifique non point dans le sens de cette paix que le monde connaît et recherche, mais de cette paix dont le Prophète a dit : « Je leur donnerai de vraies consolations, et paix sur paix[5][6] » : c’est-à-dire, qu’à la paix de réconciliation j’ajouterai la paix de l’immortalité. Car après l’accomplissement des promesses de Dieu, le même Prophète nous fait espérer une dernière paix dans laquelle nous vivrons éternellement avec Dieu, lorsqu’il nous dit : « Seigneur, notre Dieu, donnez-nous votre paix, après nous avoir donné toutes choses[7][8] ». Cette paix alors sera parfaite, « quand la mort notre dernière ennemie sera détruite[9] ». Mais en qui cela s’accomplira-t-il, sinon dans ce roi de paix et de réconciliation ? « De même, en effet, que tous meurent en Adam, de même tous seront vivifiés en Jésus-Christ[10] ». Après avoir trouvé le vrai Salomon, le vrai pacifique, écoutons maintenant les enseignements du psaume.
2. « O Dieu, donnez au roi votre jugement, et votre justice au fils du roi[11] ». Le Seigneur dit lui-même dans l’Évangile : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils[12] ». C’est bien là : « ô Dieu, donnez votre jugement au roi ». Et ce roi est aussi fils du roi, car le Père est roi lui-même : aussi est-il écrit qu’un roi fit des noces à son fils[13]. Cette répétition est dans l’usage des Écritures. Ainsi cette expression « Votre jugement », est répétée dans « votre

  1. Tiré de l’épître CLXIX à Evode, n. I
  2. Rom. 5,10
  3. Eph. 2,14-17
  4. Jn. 14,27
  5. Isa. 57,19
  6. selon les LXX
  7. Id. 26,12
  8. selon les LXX
  9. 1 Cor. 15,26
  10. Id. 22
  11. Ps. 66,2
  12. Jn. 5,22
  13. Mt. 22,2