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les voleurs, « il ne trouvera rien en moi ». Toutefois en disant qu’il n’a rien usurpé, faisant allusion au péché, il affirme qu’il n’a rien pris qui ne fût à lui ; c’est là le vol, c’est là l’iniquité ; mais il a repris au démon ce que celui-ci avait enlevé. « Personne », dit-il, « n’entre dans la maison d’un homme fort, et n’enlève ce qui lui appartient, s’il n’a d’abord garrotté cet homme fort[1] ». Or, il a lié le fort, et lui a enlevé sa dépouille ; il ne l’a point volée, et il peut vous répondre : ces dépouilles avaient été enlevées à mon palais je ne commets pas un vol, je reprends ce qui était volé.
10. « Seigneur, vous connaissez mon imprudence[2] ». Il parle de nouveau, au nom de son corps. Quelle imprudence, en effet, peut-il y avoir dans le Christ ? N’est-il point la Force et la Sagesse de Dieu ? Parlerait-il de cette imprudence dont l’Apôtre a dit : « Ce qui paraît en Dieu une folie est plus sage que les hommes[3] ? » « Mon imprudence », c’est-à-dire, ce qu’ont tourné en dérision, contre moi, ceux qui se croyaient sages. Vous savez pourquoi : « Vous connaissez mon imprudence ». Qu’y a-t-il de plus semblable à l’imprudence, que de souffrir qu’on le saisisse, qu’on le flagelle, qu’on lui crache au visage, qu’on lui donne des soufflets, qu’on le couronne d’épines, qu’on.l’attache à la croix, quand il pouvait, d’un seul mot, renverser tous ses persécuteurs ? Tout cela ressemble à de l’imprudence, cela paraît de la folie, mais cette folie est supérieure à tous les sages. C’est une folie à la vérité ; mais jeter le grain en terre, paraît une folie pour quiconque ignore les usages du laboureur. On ne le sème qu’avec des fatigues, on le porte dans l’aire, on le bat, on le vanne ; et ce n’est qu’après avoir affronté les dangers et les intempéries du ciel, après avoir coûté des travaux, aux campagnards, des soins aux maîtres, que le froment pur est mis dans le grenier. Aux approches de l’hiver, on tire du grenier ce froment émondé, et on le jette ; cela paraît imprudent ; mais l’espoir du semeur fait que ce n’est pas imprudence. Le Seigneur donc ne s’est pas épargné, parce que son Père « ne l’a point épargné, mais l’a livré pour nous tous[4] ». C’est de lui que l’Apôtre a dit : « Il m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi[5]. Car si le grain de froment « ne tombe à terre pour y mourir », comme il l’a dit lui-même, « il ne rapportera aucun fruit[6] ». C’est là mon imprudence, et tu la connais. Pour eux, s’ils l’eussent connu, ils n’eussent jamais crucifié le roi de gloire[7]. « O Dieu, vous connaissez mon imprudence, et mes fautes ne vous sont point cachées ». Il est clair, évident, manifeste, que ces paroles doivent s’entendre du corps du Christ ; car lui n’eut aucune faute, il se chargea de celles des autres, mais n’en commit aucune. « Et mes fautes ne vous sont point cachées » : c’est-à-dire, je vous ai confessé toutes mes fautes, et avant qu’elles fussent dans ma bouche, vous les avez connues dans ma pensée, vous avez vu les blessures que vous deviez guérir. Mais où ? Assurément dans son corps et dans ses membres, dans ses fidèles, d’où était venu pour s’attacher à lui ce membre, qui faisait l’aveu de ses fautes, « Et mes péchés », dit-il, « ne vous sont point cachés ».
11. « Qu’ils ne rougissent point de moi, u ceux qui espèrent en vous, Seigneur, Dieu « des vertus[8] » Voici de nouveau la voix du chef : « Qu’ils ne rougissent point de moi » ; qu’on ne leur dise point : Où est celui qui vous disait : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi[9]. Qu’ils ne rougissent point à mon sujet, ceux qui espèrent en vous, Seigneur, Dieu des vertus. Qu’ils n’éprouvent aucune confusion à cause de moi, ceux qui vous cherchent, ô Dieu d’Israël ». Ceci peut s’entendre du corps ; mais à condition de ne point faire de ce corps un seul homme : car un seul homme ne saurait être son corps, mais seulement un faible membre ; tandis que son corps est composé de plusieurs membres. Son corps dans son intégrité, c’est l’Église entière. C’est donc avec raison que l’Église tient ce langage : « Qu’ils ne rougissent point à mon sujet, ceux qui espèrent en vous, ô Dieu des vertus ». Que je ne sois plus en butte aux soulèvements des persécuteurs, que je n’aie pas à lutter contre la jalousie de mes ennemis, et les aboiements de ces hérétiques sortis de mon sein, mais qui n’étaient point de moi : car s’ils eussent été de moi, ils fussent demeurés avec moi[10]. Que leurs scandales ne m’accablent point, « de manière qu’ils rougissent de moi, ceux qui espèrent en vous, Seigneur, ô Dieu des vertus ».

  1. Mt. 12,29
  2. Ps. 68,6
  3. 1 Cor. 1,25
  4. Rom. 8,32
  5. Gal. 2,20
  6. Jn. 12,24-25
  7. 1 Cor. 2,8
  8. Ps. 68,7
  9. Jn. 14,1
  10. Jn. 2,19