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inspiré par les révélations ; c’est pourquoi l’Apôtre dit : « de peur que je ne m’élève dans la grandeur des révélations. » Il faut aller au-delà de ces hauteurs, c’est-à-dire, ne point s’y arrêter à cause du péril de tomber. Tous ces obstacles franchis, on triomphe aisément des ennemis. C’est ce qu’expriment ces paroles : « Et des hauteurs de Galaad il s’élança au-delà des enfants d’Ammon », ennemis dont il a été question plus haut.
27. « Et Jephté fit un vœu et dit : Si vous livrez en mes mains les enfants d’Ammon, quiconque sortira du seuil de ma maison pour venir à ma rencontre au retour du triomphe « remporté sur les enfants d’Ammon, celui-là sera « au Seigneur, je l’offrirai en holocauste. » Qui que ce soit que Jephté ait eu en vue, en cette circonstance, dans sa pensée d’homme, il ne paraît pas qu’il ait songé à sa fille unique ; autrement il n’aurait point dit en la voyant se présenter à lui : « Malheureux que je suis ! Hélas ! Ma fille, vous m’avez arrêté, vous êtes devenue un piège à mes yeux. » En disant : « Vous m’avez arrêté » c’est comme s’il faisait entendre qu’elle l’a empêché d’accomplir ce qu’il avait dans l’esprit. Mais quelle autre personne devait-il s’attendre à rencontrer la première, lui qui n’avait pas d’autres enfants ? Eut-il en vue son épouse ? et Dieu empêcha-t-il qu’une telle pensée s’accomplit, et en même temps qu’un vœu semblable restât impuni, de peur que d’autres, dans la suite, n’osassent le renouveler ? Voulût-il par un trait merveilleux de sa providence figurer dans cet événement le mystère de l’Église ? Cette figure prophétique résulterait donc de ces deux choses, savoir : de l’objet que Jephté eut en vue en faisant son veau, et de ce qui arriva en réalité, contrairement à son dessein. – S’il eut en vue son épouse, l’Église est l’épouse du Christ. « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront deux dans une même chair. Ce mystère est grand, s’écrie l’Apôtre, je dis, en Jésus-Christ et en l’Église[1]. » Mais comme il n’était pas possible que cette épouse de Jephté fût une vierge, il arriva que sa fille venant elle-même à la rencontre de son père, la témérité qui avait voué un sacrifice défendu, fut punie, et la virginité de l’Église figurée. Rien ne s’oppose à ce que l’Église soit désignée sous ce nom de fille : n’était-ce point l’Église que représentait cette femme qui, ayant été guérie après avoir touché la frange de la robe de Notre-Seigneur, entendit cette parole : « Ma fille, aie confiance, ta foi t’a sauvée, va en paix [2]. » Et assurément nul ne met en doute que Notre-Seigneur ait appelé ses disciples les fils de l’époux ? Montrant très-clairement qu’il est lui-même l’époux : « Les fils de l’époux, dit-il, ne peuvent jeûner tout le temps que l’époux est avec eux ; viendront les jours ou l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront[3]. » L’Église, que le bienheureux Apôtre appelle « une chaste vierge[4] » sera donc un holocauste quand s’accomplira dans l’universelle résurrection des morts cette parole de l’Écriture : « La mort a été engloutie dans sa « victoire. » Alors Jésus-Christ remettra son royaume aux mains de Dieu son Père[5]. Ce royaume, c’est l’Église elle-même ; le roi, c’est celui dont Jephté est la figure. Mais parce que ceci arrivera quand le sixième âge du monde sera écoulé, un délai de soixante jours a été demandé pour la virginité de la fille de Jephté. L’Église est rassemblée de tous les âges. D’Adam au déluge, c’est le premier âge ; du déluge, c’est-à-dire de Noé, à Abraham, c’est le deuxième âgé ; le troisième, d’Abraham à David ; le quatrième, depuis David jusqu’à la captivité de Babylone ; le cinquième, de la captivité de Babylone jusqu’à l’enfantement de la Vierge ; le sixième, depuis cette dernière époque jusqu’à la fin du siècle Ces six âges sont comme les soixante jours de deuil pendant lesquels la sainte Église pleure sa virginité : car quoique vierge elle a des fautes à déplorer, ces fautes pour lesquelles chaque jour, dans le monde entier, elle répète : « Pardonnez-nous nos offenses[6]. » Les soixante jours sont exprimés par deux mois ; l’écrivain sacré l’a préféré ainsi, je pense, à cause des deux Adam, l’un par qui la mort est venue, l’autre par qui se fera la résurrection des morts : c’est pour cela aussi qu’il y a deux Testaments.
28. « Il arriva que ce fut un précepte en Israël qu’on s’assemblât chaque année pour pleurer pendant quatre jours, la fille de Jephté de Gaad. » Je ne pense pas qu’il faille voir ici, dans ce qui arriva après la consommation du sacrifice, une figure de ce qui aura lieu élans la vie éternelle, mais plutôt une image des temps écoulés du pèlerinage, de l’Église, pendant lesquels

  1. Eph. 5, 31-32.
  2. Mat. 9, 20-22
  3. Id. 15
  4. 2Co. 10, 1-2
  5. 1Co. 15, 54, 24
  6. Mat. 6, 12