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de dire que ce châtiment a purifié le coupable et l’a préservé de la perte éternelle. Le Lévitique ordonne aussi de purifier par le feu les vases sacrés : et ce commandement n’a pas une signification différente. Ou bien la faute était tellement grave, que l’enfer devait recevoir le coupable après cette vie ; alors Josué le condamna au supplice de la lapidation, afin de donner à entendre que ces paroles du Seigneur : « il sera brûlé au feu » ne marquaient pas la conduite que le peuple avait à tenir, mais celle que tiendrait Dieu lui-même. On ne pourrait adopter ce sens, si le Seigneur avait dit : Vous le livrerez aux flammes, lui et tous ses biens ; mais, à en juger par la forme du discours, ses paroles sont moins un commandement qu’une prédiction. Josué, ce grand Prophète, comprit les paroles divines et agit même en cette circonstance d’une manière prophétique ; aussi ne pouvait-il mieux faire que de soumettre le coupable à la lapidation ; car s’il l’avait livré au feu, on aurait pu voir dans ce dernier supplice l’accomplissement des ordres célestes, qui devaient être entendus dans un autre sens.
3. Achar puni avec tout ce qu’il possédait. – On ne doit pas se préoccuper d’ailleurs de ce que Dieu commande de livrer aux flammes, non seulement le coupable, mais encore tout ce qui est à lui. Car voici ses paroles : « Il sera brûlé et tout ce qui lui appartient. » On peut, en effet, par tout ce qui est à lui, entendre toutes ses œuvres, qui doivent, suivant l’ordre divin, être jetées au feu avec lui ; non pas, il est vrai, dans le sens de l’Apôtre, quand il dit de certaines œuvres qu’elles seront consumées parle feu, mais que leur auteur sera sauvé[1]. Car, ces paroles ne peuvent trouver leur application dans le cas où l’on verrait ici un péché digne du feu éternel. En punissant Achar, le peuple amassa donc aussi un monceau de pierres sur ses fils et ses filles, ses troupeaux et tout ce qu’il avait ; Josué cependant ne suivit point en cette circonstance une inspiration humaine, mais une inspiration prophétique.soitque, en infligeant la peine de la lapidation à la place de celle du feu, il crût que les enfants d’Achar ne dûssent pas être exceptés de tout ce qui était à lui; soit que à ses yeux, les enfants de cet homme, aussi bien que tout le reste, dussent signifier ses pauvres, destinées aux flammes après sa mort. 4. Justice et Sagesse de Dieu dans les châtiments qu’il inflige. – Il ne faut pas croire cependant que les enfants doivent, pour le péché d’un père dont ils sont innocents, souffrir après la mort le tourment du feu de l’enfer. En effet, quoique la mort, qui nous est réservée à tous, soit la conséquence du premier péché, comme nous sommes nés pour mourir, elle peut être un bien pour plusieurs, quand elle est devancée. C’est pourquoi l’Écriture.appliqueces paroles à un juste : « Il a été enlevé, de peur que la malice ne changeât son esprit[2]. » Par quel juste jugement ou par quelle miséricorde de Dieu, la mort atteignit-elle donc les enfants d’Achar et les trente guerriers, quoiqu’ils fussent étrangers à sa faute ? C’est un secret de Celui en qui l’injustice n’habite point[3]. Mais il y eut un résultat évident c’est que le peuple consterné dut s’enquérir de la faute qui avait été commise ; tous les autres alors craignirent d’autant plus d’imiter la conduite du coupable, que la faiblesse humaine répugne à attirer sur soi de la part de tout un peuple, une haine à la fois si terrible et si méritée, et à voir mourir avec soi, pour son péché, des enfants par qui on espérait donner à la famille une postérité.
X. (Ib. 8, 2.) Quand la guerre est-elle juste ? – L’ordre donné par Dieu à Josué d’établir une embuscade par-derrière, c’est-à-dire de placer des guerriers qui dresseraient des embûches à l’ennemi, nous fait voir que cette tactique n’est pas défendue dans les guerres légitimes : l’homme juste doit donc avant tout se préoccuper de faire la guerre uniquement pour la justice, et contre celui à qui il lui est permis de la faire ; car cela n’est pas permis contre tout le monde. Or, lorsqu’on entreprend une guerre juste, peu importe, au point de vue de la justice, qu’on remporte la victoire en bataille rangée ou par une ruse heureuse. On définit ordinairement les guerres justes, celles qui ont pour objet de venger des injures, soit glie la ville ou la nation qu’on attaque, ait négligé de réparer les injustices commises par les siens, soit qu’elle n’ait pas rendu ce qui a été pris injustement. Il est évident qu’on doit aussi considérer comme une guerre juste, celle que Dieu commande : car il n’y a pas d’iniquité en lui, et il sait ce qu’il convient de faire à chacun[4]. Dans une guerre de ce genre, le chef de l’armée et le peuple lui-même sont moins les auteurs de la guerre que les exécuteurs des desseins de Dieu.
XI. (Ib. 8 4-8.) Toute volonté de tromper constitue-t-elle un mensonge? – Josué en envoyant

  1. 1Co. 3, 15
  2. Sag. 4, 11
  3. Rom. 9, 14
  4. Id