Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

sur l’Écriture parce qu’on l’y trouve ou du moins qu’elle n’y est pas combattue ? Je l’avoue, je ne l’ai jamais lue, ni entendu faire. Toutefois, pour ne pas négliger la cause des absents, je ne voudrais pas cacher une idée qui se présenterait à mon esprit pour défendre leur système. Or, ils pourraient encore observer que, sachant par sa prescience la vie que mènerait chaque âme, si elle restait longtemps dans le corps, Dieu accorde le bienfait du baptême à celui dont il prévoit la piété, a l’âge qui la comporte, si une raison mystérieuse n’exigeait pas qu’il mourût d’une mort prématurée. Oui c’est un mystère impénétrable pour l’intelligence humaine, ou du moins pour la mienne, qu’il naisse des enfants destinés à mourir bientôt ou même après leurnaissance.maisce mystère est tellement insondable qu’on ne peut en tirer aucune conséquence pour ou contre ces deux hypothèses. Or, comme il faut renoncer à l’opinion suivant laquelle les âmes seraient envoyées ici-bas, d’après leurs mérites dans une vie antérieure, et qu’elles seraient d’autant plus vite affranchies qu’elles auraient commis moins de fautes, pour ne pas contredire l’Apôtre qui nous assure qu’avant de naître on ne fait ni bien ni mal ; on ne saurait expliquer ni dans l’hypothèse de la création successive des âmes, ni dans celle de leur propagation, par quel secret la mort arrive plus tôt pour les uns, plus tard pour les autres. C’est un mystère insondable dont on ne peut tirer parti, à nos, yeux, pour réfuter ou pour soutenir l’une de ces deux opinions.

CHAPITRE XVI. MÊME SUJET ENCORE.


28. Quand on demande à ceux qu’embarrassait déjà la mort des petits enfants, quelle peut être la nécessité de recevoir le baptême pour les âmes, si elles ne sont point sorties de celle dont la désobéissance a fait beaucoup de pécheurs, voici leur réponse : Tous sont devenus pécheurs au point de vue de la chair ; sous le rapport de l’âme, ceux-là seuls deviennent pécheurs qui vivent dans le mal au lieu de faire le bien ici-bas ; le baptême est donc nécessaire aux âmes en général et en particulier à celles des enfants, parce qu’il serait funeste pour elles de quitter la vie sans avoir reçu ce sacrement ; car, la contagion du péché se communiquant à l’âme par la chair de péché, se glisse dans les membres et les accable d’un poids qui doit se faire sentir après la mort, si l’âme n’en est pas délivrée en cette vie par le sacrement du Médiateur ; ce bienfait est accordé d’en haut à toute âme dont Dieu prévoit la pieuse existence si elle vit jusqu’à l’époque où commence la pratique de la vertu, quand il veut, par un secret particulier, qu’elle prenne naissance dans un corps pour le quitter aussitôt après. On oppose à cette réponse une objection c’est que nous sommes dans une incertitude terrible sur le salut des âmes qui, après une vie pieuse, ont rencontré la mort dans la paix de l’Église, si nous devons être jugés, non seulement sur les œuvres que nous aurons faites, mais encore sur celles que nous aurions pu faire dans l’hypothèse où notre vie se serait prolongée. Si Dieu tient compte non seulement des fautes passées, mais encore des fautes futures et si la mort n’empêche pas la responsabilité des crimes qu’elle a prévenus, le, juste ne gagne rien quand une mort prématurée empêche le vice de corrompre son âme[1] ? Car Dieu connaît d’avance ce vice : pourquoi donc n’en fait-il pas de préférence la règle de ses jugements, si, pour empêcher que la contagion du péché originel ne gâte l’âme d’un enfant destiné à mourir, il décide qu’elle recevra le bienfait du baptême, par ce motif seul qu’il sait d’avance qu’elle mènera, si la vie se prolonge pour elle, une existence de piété et de foi ?
29. Voudrait-on rejeter ce raisonnement par cela seul qu’il m’est personnel ? Eh bien que ceux qui voient dans leur hypothèse l’expression de la vérité citent des témoignages de l’Écriture, proposent des arguments qui lèvent toute équivoque, ou du moins prouvent que leur opinion ne contredit pas le passage significatif où l’Apôtre, mettant en relief la grâce qui fait notre salut, dit : « De même que tous meurent en Adam, de même tous seront vivifiés en Jésus-Christ[2] » ou celui-ci : « De même que par la désobéissance d’un seul beaucoup ont été faits pécheurs, ainsi par l’obéissance d’un seul beaucoup deviendront justes. » Par ces nombreux pécheurs, il entend tous les hommes sans exception, puisqu’il disait plus haut qu’en Adam «  tous ont péché[3]. » Le mot tous et l’usage d’administrer le baptême aux enfants ne permettent donc pas de faire une exception en leur faveur, disent les partisans de l’hypothèse de la propagation des âmes ; et cette conséquence semble juste tant qu’on n’avance pas, pour la combattre, une proposition évidente et

  1. Sag. 4, 11
  2. 1 Cor. 15, 22
  3. Rom. 5, 19, 12