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fait agir dans le temps, et des corps qui dépendent à la fois de lui-même et des volontés et à qui il communique le mouvement dans l’espace et le temps, double condition de l’existence finie dont le principe tel qu’il est en Dieu constitue la vie en dehors de tous les temps et de tous les lieux : voilà les modes de l’activité divine. Par conséquent, loin d’imaginer que la substance de Dieu change avec le temps et les lieux, ou qu’elle se meut selon les divers points de l’espace et de la durée, nous devons croire qu’il connaît toutes ces révolutions comme les conséquences de son action providentielle : par là j’entends non seulement l’acte de créer les substances, mais encore celui de les gouverner en dehors d’elles après leur avoir donné l’être. Car, sans être compris dans aucune division de l’espace, en vertu de sa puissance immuable et absolue, il est à la fois plus profond et plus élevé que toute chose, en ce sens que tout est en lui et qu’il est supérieur à tout. Il en est de même pour la durée sans être renfermé dans aucune limite de temps, en vertu de son immuable éternité, il est à la fois le plus ancien et le plus nouveau des êtres, parce qu’il préexiste à tout et survit à tout.

CHAPITRE XXVII. COMMENT DIEU PARLA-T-IL A ADAM ?


49. Lors donc que l’Écriture nous dit : « Dieu commanda à Adam en lui disant : Tu mangeras de tous les arbres qui sont dans Paradis ; quant à l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point. Le jour que vous en mangerez, vous mourrez de mort » et qu’on se demande comment Dieu tint ce langage à Adam, il est impossible de le déterminer nettement sans doute, mais il n’est pas moins incontestable que Dieu lui parla directement ou par l’entremise d’une créature. Or, quand Dieu parle directement, c’est qu’il crée les êtres, ou qu’il crée éclaire et de plus les intelligences, lorsqu’elles sont devenues capables d’entendre sa parole dans le Verbe qui était en Dieu au commencement, Dieu lui-même, et par qui tout a été fait[1]. Quant aux êtres incapables d’entendre le Verbe éternel, Dieu emploie pour leur parler tantôt un esprit, comme dans les songes, les extases où la vérité apparaît sous une forme sensible ; tantôt un corps, comme il arrive lorsqu’un être se montre aux yeux ou que des sons frappent l’oreille.

50. Si donc Adam était assez parfait pour comprendre la parole que Dieu fait directement entendre aux esprits angéliques, nul doute que Dieu, sans sortir de son éternité, n’ait communiqué dans le temps à son intelligence une impulsion mystérieuse et ineffable, et n’ait gravé dans son esprit la vérité profonde qui devait à la fois l’éclairer sur la portée de son commandement et sur la peine attachée à sa violation c’est ainsi que tous les préceptes du bien se voient, s’entendent dans l’immuable Sagesse, qui se communique aux âmes saintes[2], à un moment fixé, sans être assujettie aux changements de la durée. Si Adam au contraire n’était point encore assez juste pour être soustrait à l’influence d’une créature plus sainte et plus sage, chargée de lui révéler la volonté de Dieu, comme le font pour nous les prophètes et comme les Anges le t’ont pour les prophètes, pourquoi douter que Dieu ne lui ait parlé par l’entremise d’une créature semblable au moyen des signes du langage N’est-il pas écrit un peu plus loin qu’après leur péché ils entendirent la voix de Dieu qui se promenait clans le jardin[3]? Or, que cette voix sortit de l’organe d’une créature et non de l’essence divine, c’est un point évident pour quiconque a le sentiment de la foi catholique. Je me suis proposé de traiter cette question avec plus de développement contre certains hérétiques [4], qui se figurent que la substance du Fils de Dieu était visible avant son incarnation et qu’il apparut à nos pères sous une forme palpable, si bien que Dieu le Père seul serait désigné par cette expression : « Aucun homme ne l’a vu ni ne peut le voir[5] » parce que le Fils aurait été vu en lui-même avant d’avoir pris les dehors de l’esclave. C’est une impiété que doit repousser tout esprit catholique. Mais nous discuterons ailleurs cette question, s’il plaît au Seigneur.
Terminons ici ce livre et voyons comment la femme fut tirée d’une côte de l’homme.

  1. Jn. 1, 1-3
  2. Sag. 7, 97
  3. Gen. 3, 8
  4. Les Ariens
  5. 1 Tim. 6, 16